US Villejuif – U18 R3 / Analyse tactique : 2341, marquage individuel et ACD
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(Important – 2 ! Si vous êtes ici pour les actions contre-dynamiques, lisez l’introduction, puis passez directement à la partie III)
Hello Patrick,
J’ai regardé avec plaisir les deux matchs que m’a envoyé Ikram : d’abord celui face à Versailles en vitesse, puis l’autre face au PUC plus attentivement. Étant donné que je te « devais » une analyse depuis l’année dernière, en voici une concernant le match face au PUC, focalisée sur votre animation offensive.
Tout d’abord, je voudrais prendre le temps de dire quelque chose que je t’ai déjà exprimé à plusieurs reprises : ton animation offensive est extrêmement audacieuse. Jouer dans cette animation avec les latéraux à l’intérieur est déjà une rareté dans le foot amateur, mais positionner tes latéraux à l’intérieur dès la sortie de balle, dans votre premier tiers du terrain, est extrêmement osé. C’est un parti pris très ambitieux, mais force est de constater que c’est cohérent tactiquement, tant sur ce que j’ai pu voir par séquences l’année dernière que sur les deux matchs cités en introduction.
Je suis très admiratif des risques que tu prends, et impressionné par la façon dont tes joueurs s’approprient le cadre que tu as mis en place pour générer, par séquences, des actions de grande qualité. Vivement les prochains matchs !
Introduction – Orientations individuelles, opportunités et tendances
Selon mon expérience dans le football amateur, plus on s’éloigne de la meilleure division de la catégorie, plus il y a de chances d’affronter des équipes défendant avec de fortes orientations « joueur ». Dans une équipe défendant avec une orientation individuelle, les joueurs prendront davantage en référence leurs adversaires directs que la gestion d’une zone spécifique du terrain.
Ce choix n’est toutefois pas spécifique au monde amateur, ni aux divisions inférieures. Au plus haut niveau, nombre d’équipes procèdent de la sorte, certaines avec un marquage individuel total, à l’instar du Leeds de Marcelo Bielsa, ou d’autres avec un marquage de zone avec de (très) fortes orientations individuelles, à l’image du PUC ou encore de la plupart des équipes aux Pays-Bas, un pays où le marquage individuel – spécifiquement au milieu de terrain – est une tradition profondément ancrée, comme tu peux le constater sur ce graphique tiré d’une analyse de l’extraordinaire Judah Davies sur la rencontre Ajax Amsterdam – Feyenoord :
Au football, l’objectif premier de la phase offensive est de marquer des buts, cela afin de prendre un avantage au score indispensable pour remporter la rencontre. Pour marquer des buts, il faut toutefois outrepasser l’obstacle que constituent les adversaires. Afin de parvenir à cela, éliminer ces derniers et se créer des opportunités de frappe, il est nécessaire de se servir de différents outils – ballon, position, mouvements sans ballon – pour faire bouger les adversaires et ainsi manipuler la structure défensive adverse à son avantage. L’excellent Patrick Mills avait très bien résumé ces idées dans un graphique, dont je te propose une version traduite ci-dessous :
Jouer face à un adversaire fonctionnant avec une animation défensive orientée joueur facilite l’utilisation du troisième outil pour manipuler, à savoir les mouvements sans ballon. Étant donné que les joueurs adverses marquent individuellement leurs adversaires directs, et qu’ils les suivent donc dans chacun de leurs déplacements, il devient en effet beaucoup plus aisé de les manipuler, que ce soit pour créer des lignes de passe ou des espaces afin de progresser balle au pied. Du fait du type d’animation défensive choisie par l’adversaire, la capacité à manipuler de l’équipe en possession du ballon s’accroît alors, ce qui aura un impact positif quant à sa capacité à éliminer les différentes lignes de pression lui étant opposées afin de progresser vers le but adverse et générer des situations de frappe.
Rencontrer une équipe fonctionnant de la sorte est donc un excellent exercice pour les joueurs : ils ont en effet alors l’opportunité idéale afin de s’entraîner à utiliser des mouvements coordonnés destinés à créer et à exploiter des espaces. Durant tout mon parcours d’éducateur, j’ai toujours beaucoup apprécié rencontrer des équipes défendant avec des orientations « joueurs », et j’étais à chaque fois curieux et enthousiaste de voir quelles solutions allaient trouver les joueurs pour manipuler la structure défensive adverse en se servant de mouvements sans ballon.
Cela a été le cas à l’ACBB saison 2018-2019, lorsque nous avons joué le RFC Argenteuil en amical – une rencontre où les joueurs ont expérimenté différents types de mouvements pour exploiter le marquage individuel adverse et créer des espaces à exploiter :
- déplacement vers l’extérieur du milieu relayeur pour manipuler le milieu relayeur adverse et ouvrir la ligne de passe vers l’attaquant
- mouvements opposés milieu relayeur – ailier pour manipuler le milieu relayeur adverse et libérer l’ailier entre les lignes
Ou dans la même saison, lorsque nous avions rencontré Montrouge en match amical :
- décrochage de l’ailier côté ballon et déplacement vers l’intérieur de l’ailier opposé pour manipuler les milieux axiaux adverses et libérer le milieu relayeur opposé
Ou encore à Villejuif, lorsque les U12 de Belaïd ont rencontré la VGA Saint-Maur, saison 2017-2018 :
- déplacements vers l’extérieur des milieux relayeurs afin de manipuler leurs adversaires directs et ouvrir la ligne de passe vers l’attaquant
Comme tu as déjà dû le remarquer en revisionnant le match, tes joueurs ont trouvé plusieurs solutions pour manipuler la structure défensive adverse via des mouvements sans ballon, et ce sujet sera bien évidemment évoqué dans cette analyse. Et oui, tu l’as forcément compris maintenant, je vais donc te parler encore une fois d’actions contre-dynamiques collectives – mais uniquement une fois le moment venu.
À l’évidence, tu ne rencontreras pas uniquement des équipes comme le PUC dans ta division : d’autres adversaires auront une animation défensive en zone, avec une compacité horizontale et verticale bien supérieure à celle opposée par le PUC, et une propension à suivre les mouvements sans ballon bien moins importante. Il est cependant important de noter qu’il est aussi possible de manipuler un ou plusieurs joueurs d’une équipe défendant en zone grâce à la position ou à l’alliage position + mouvements sans ballon : ce constat est d’ailleurs vérifiable tous les week-ends en regardant des matchs de haut niveau. Ce que je veux dire par là, c’est que tu peux tout à fait envisager d’utiliser les mouvements de démarquage collectifs entrevus contre le PUC contre d’autres équipes, et ce même si celles-ci ne défendent pas de la même manière que le club du 13ème arrondissement de Paris.
I – Sorties de balle, latéraux à l’honneur et pistes potentielles de progrès
Les U18 du PUC constituent un bon exemple d’une équipe fonctionnant avec une animation défensive orientée « joueur ». Au sein de leur 4-2-3-1, les responsabilités des joueurs étaient clairement définies : chaque joueur – à l’exception de l’attaquant et des centraux – devait ainsi marquer individuellement son adversaire direct. Le milieu offensif axial était responsable de votre milieu défensif, les ailiers devaient se charger des latéraux, tandis que les milieux relayeurs devaient marquer vos milieux relayeurs, et enfin les latéraux vos ailiers. Les seuls joueurs de champ adverses n’étant pas dans une situation de marquage individuel étaient donc l’attaquant axial et les défenseurs centraux : ces derniers étaient en situation de supériorité numérique (2 contre 1) face à votre attaquant, ce qui était permis par l’infériorité numérique concédée par le PUC plus haut sur le terrain, avec son seul attaquant axial faisant face à vos défenseurs centraux (et votre gardien).
Du fait de l’orientation défensive choisie par son entraîneur, et de votre volonté d’agrandir l’espace de jeu tant en largeur qu’en profondeur via un étagement et un espacement intéressants, l’équipe du PUC a grandement manqué de compacité horizontale et verticale. En d’autres termes, puisque les joueurs du PUC suivaient les tiens, et que ces derniers veillaient à occuper l’espace rationnellement en largeur et en profondeur, il y avait beaucoup d’espaces à exploiter entre les lignes, et particulièrement entre leur quatuor d’attaque (ailiers, milieu offensif et attaquant) et le reste de leur équipe.
Dans votre premier tiers, lorsque vous initiiez vos actions depuis le gardien, vous étiez en supériorité numérique face aux joueurs offensifs adverses, avec constamment un 6 contre 4 à jouer (gardien + défenseurs centraux + milieu défensif + latéraux intérieurs face à attaquant axial + milieu offensif + ailiers). Vous avez bien su exploiter cette supériorité numérique et le manque de compacité adverse pour éliminer les premiers défenseurs du PUC et progresser vers le camp adverse en trouvant des joueurs face au jeu, la plupart du temps par l’axe du terrain via vos latéraux.
Tes défenseurs latéraux, Ryad et Alexis, ont généralement été très bons pour se positionner dans les deux intervalles ailier – milieu offensif afin de recevoir, et ont souvent bonifié ce positionnement initial par une bonne pré-orientation corporelle leur permettant d’enchaîner rapidement vers l’avant une fois en possession du ballon. Ils ont été régulièrement trouvé comme joueurs libres dans ces intervalles grâce aux passes progressives jouées par tes défenseurs centraux et ton gardien, ceux-ci ayant été performants dans leurs prises d’informations, de décisions et de risques afin de trouver leurs coéquipiers positionnés plus haut.
Ces circuits de relance n’ont cependant pas été exclusifs au premier tiers du terrain : lorsque vous étiez en possession dans le deuxième tiers, il y eut plusieurs séquences similaires, avec une nouvelle fois les latéraux à l’honneur, mis en valeur par les excellentes passes progressives des défenseurs centraux.
Tes défenseurs centraux ont été courageux et audacieux dans leurs initiatives vers l’avant, et cela en dépit d’une erreur ayant coûté un but en seconde période. Au-delà des passes progressives qu’ils ont trouvé tout au long de la rencontre, ils n’ont parfois pas hésiter à progresser balle au pied, que ce soit pour éliminer un adversaire sorti les cadrer ou pour aller fixer un adversaire et ainsi libérer un coéquipier. Dans ton système et ton animation, il est essentiel qu’ils continuent à prendre l’initiative d’aller fixer lorsqu’ils ont l’espace pour le faire et que la situation le demande. Pour un défenseur central, le fait de savoir exploiter l’espace libre balle au pied afin d’aller fixer des adversaires et ainsi créer des décalages plus haut sur le terrain est un atout considérable, tant pour lui-même que pour son équipe. C’est un aspect du jeu qui n’est pas encore pleinement exploité dans le football professionnel, mais dont l’animation offensive de ton équipe pourrait tirer de grands bénéfices. Ci-dessous quelques séquences « extrêmes » de joueurs comptant parmi les meilleurs jeunes au monde dans ce domaine – Olivier Aertssen, Frenkie de Jong et Kristoffer Ajer :
Dans l’ensemble, vos sorties de balle ont été très bonnes – malgré un petit couac sur la réduction du score : vous êtes régulièrement parvenus à éliminer les premiers défenseurs adverses en trouvant des joueurs libres recevant face au jeu dans l’axe du terrain, ce qui vous a permis d’accéder au camp adverse aisément afin de tenter d’y solliciter les joueurs offensifs. Il y a toutefois quelques petits aspects sur lesquels ton équipe peut encore progresser, et sur lesquels j’aimerais m’attarder le temps de quelques paragraphes.
La première de ces remarques concerne la volonté de sortir court lorsque l’on bénéficie d’une supériorité numérique. Il semblerait d’ailleurs que cela t’ait très clairement agacé au vu de tes remarques depuis le banc. Par moments, notamment en seconde période, ton gardien choisissait de façon surprenante de privilégier le jeu long, alors même que lui et ses coéquipiers avaient un 6 contre 4 à jouer face aux offensifs adverses, et qu’ils avaient su exploiter cette situation avantageuse pour progresser vers le camp adverse dès les premières secondes du match. D’un autre côté, on peut aussi considérer que c’est bien de pouvoir varier ses remises en jeu, et d’être capable d’utiliser le jeu long pour sauter des lignes : tes joueurs – gardien et défenseurs centraux – l’ont utilisé à quelques reprises à bon escient au cours du match, soit en réussissant à recevoir le jeu long, soit en gagnant les seconds ballons.
Au-delà de sa réticence à jouer court alors que la situation le permettait, il est aussi possible de questionner le manque de mobilité de ton gardien après avoir transmis le ballon à l’un des défenseurs centraux. Après avoir initié l’action, il avait en effet tendance à rester immobile et inactif, alors qu’il aurait dû être actif et en mouvement pour offrir une solution de passe en soutien, tout en créant la plus grande distance possible entre lui-même et le premier défenseur adverse. Si cela n’a pas eu de conséquences face à une équipe comme le PUC, cela pourrait s’avérer dommageable face à des équipes plus performantes au niveau du pressing. Ci-dessous, deux séquences issues des 6 premières minutes de la rencontre pour mettre en lumière ce déficit de mobilité présent tout au long du match :
À plusieurs reprises, tes joueurs – et en particulier les défenseurs centraux – n’ont pas cherché à renverser vers l’opposé pour rechercher le joueur libre, alors même que l’adversaire avait déclenché son pressing côté ballon. Cela les a contraint à tenter de progresser par le côté fort de l’adversaire – c’est-à-dire le côté où celui-ci positionne le plus de joueurs. C’est tout à fait possible de progresser côté fort – comme tes joueurs l’ont parfois démontré – mais c’est bien plus compliqué du fait de la densité adverse, d’où l’intérêt de rechercher continuellement des renversements vers le joueur libre à l’opposé. Encore une fois, si cela n’a pas eu de conséquences face à une équipe comme le PUC, cela pourrait s’avérer dangereux face à une équipe dont le pressing haut est une force.
Bien que les latéraux aient joué un rôle clefs dans vos sorties de balle tout au long de la rencontre, ils n’ont parfois pas su résoudre certaines situations dans lesquelles ils étaient isolés effacement par leurs adversaires directs. Par séquences, les ailiers adverses sortaient cadrer le défenseur central en possession du ballon tout en isolant le latéral dans leur dos grâce à un positionnement sur la ligne de passe. Au lieu de chercher à sortir de cette isolation grâce à un déplacement, par exemple de l’intérieur vers l’extérieur, tes latéraux étaient alors statiques et passifs. Cette passivité limitait le nombre d’options à disposition du porteur, ce qui aurait pu jouer en faveur de l’adversaire.
Il me paraît important d’insister sur ce point : la position des latéraux a l’intérieur est une position de départ. Si elle ne facilite pas la progression vers le but à attaquer du fait des choix de l’équipe adverse, alors tes latéraux doivent avoir la liberté de se déplacer et de chercher d’autres positions où ils pourront influer positivement sur la progression de l’action. Ta structure de relance en (1+)2+3 peut (et doit) donc ainsi varier en fonction des problématiques émergeant des différentes structures défensives adverses, mais aussi selon la façon dont tu souhaites utiliser les différentes aptitudes de tes joueurs.
Dans l’une de ces séquences où ton latéral côté ballon était isolé par le PUC, ton équipe s’est toutefois bien adaptée : la solution trouvée par tes joueurs a alors été de rechercher le latéral de façon indirecte, grâce au mécanisme du 3ème homme, en s’appuyant d’abord sur le milieu défensif à l’intérieur afin que celui-ci puisse ensuite trouver le latéral.
Une troisième solution aurait pu être d’effectuer une rotation entre le latéral et le relayeur côté ballon, avec un déplacement vers l’avant du latéral pour aller occuper la position du relayeur et fixer l’adversaire direct de ce dernier, tandis que le relayeur aurait quant à lui effectué un décrochage vers l’extérieur, de façon à proposer une solution de passe au porteur de balle sur la largeur.
Je m’attarde sur un dernier point, et ensuite on referme cette partie et on passe à la suite. L’année passée je t’ai parlé de la hauteur à laquelle recevait tes ailiers, t’expliquant qu’ils étaient souvent sollicités assez bas sur le terrain, en plus de recevoir dos au but adverse avec un adversaire dans le dos – en d’autres termes, dans une situation peu avantageuse pour exprimer leurs qualités. Face au PUC et à Versailles, leurs coéquipiers ont régulièrement réussi à les solliciter plus haut, ce qui a ensuite abouti à de nombreuses situations dangereuses devant le but adverse, à l’instar du (superbe) but inscrit en début de seconde période face à Versailles.
Grâce aux latéraux à l’intérieur du jeu, ton équipe disposera souvent d’une supériorité numérique dans l’axe du terrain face aux premiers défenseurs adverses. Celle-ci doit permettre de faciliter la sortie de balle et de sortir le ballon « ensemble » via des fixations, des passes courtes et des renversements, afin de progresser de façon structurée vers la partie de terrain adverse et tenter d’y installer le jeu. Il faut donc exploiter cette supériorité numérique à bon escient, et idéalement tenter de jouer vers les ailiers le plus haut possible, dans le dos des milieux adverses, ceci afin de les mettre dans les meilleures conditions spatio-temporelles possibles au plus proche du but adverse.
Si cela n’est pas possible, et qu’ils sont trouvés dans les conditions décrites au début de ce paragraphe – bas sur le terrain, réception dos au but adverse, cadré dans le dos par un adversaire – alors il est indispensable que la profondeur soit attaquée avant même qu’ils aient touché le ballon. Ces mouvements complémentaires – décrochage de l’ailier pour solliciter le ballon dans les pieds / appel en profondeur d’un coéquipier dans l’espace – permettront de placer le latéral adverse face à un dilemme : soit suivre l’ailier mais laisser son coéquipier libre de recevoir dans l’espace, soit suivre la course en profondeur mais laisser l’ailier recevoir avec de la liberté. Par ailleurs, ces déplacements en profondeur permettront aussi de recréer de l’espace dans l’axe du terrain, et donc des lignes d’actions, c’est-à-dire soit une ligne de passe, soit de l’espace pour une conduite.
II – Deuxième tiers, fixations et joueurs libres
Vos sorties de balle depuis votre premier tiers ont globalement été une réussite : elles ont permis à ton équipe d’éliminer régulièrement le quatuor offensif adverse et d’accéder à des joueurs libres face au jeu – généralement tes latéraux – en position idéale pour faire progresser l’action.
À partir de là, tes joueurs ont cependant souvent eu tendance à se précipiter en recherchant immédiatement à verticaliser l’action, alors même que le bloc défensif adverse comportait encore 6 joueurs, et que tes joueurs offensifs étaient tous marqués de près par un adversaire. À de nombreuses reprises, les joueurs libres trouvés face au jeu ont en effet joué des passes en profondeur vers les ailiers ou l’attaquant axial, sans prendre en compte que ceux-ci étaient alors contrôlés par leurs adversaires directs respectifs : cela a abouti à de nombreuses interceptions adverses, et n’a pas permis à ton équipe de capitaliser pleinement sur les excellents décalages créés plus bas sur le terrain.
Vouloir verticaliser l’action une fois le premier décalage créé n’est en soit pas une mauvaise idée, pas plus que ne l’est l’ambition constante d’attaquer la profondeur, loin de là : c’est au contraire quelque chose que tes joueurs ne doivent absolument pas perdre, car cela dénote d’une volonté franche de déséquilibrer l’adversaire. Dans ces situations, il aurait toutefois peut-être été plus pertinent de procéder différemment, car il y avait alors de bien meilleures solutions pour continuer l’action et déséquilibrer le PUC.
Lorsque ta structure de relance parvenait à éliminer les premiers défenseurs adverses et à trouver un joueur libre face au jeu, ton équipe bénéficiait en effet de situations de supériorité, ou à minima, d’égalité numérique face aux 6 joueurs du PUC encore positionnés sur l’axe ballon-but. Ces situations de 7 contre 6 ou de 6 contre 6 étaient d’autant plus intéressantes étant donné la volonté adverse de conserver un avantage numérique face à ton attaquant axial : de ce fait, tout joueur adverse souhaitant sortir cadrer le porteur de balle devait pour cela lâcher le marquage du joueur dont il était responsable. Ce dilemme concernait le plus directement les deux milieux défensifs du PUC, les plus à mêmes de sortir cadrer le porteur de balle, et dans une moindre mesure, les latéraux.
À chaque fois qu’un premier décalage était créé, tes joueurs avaient donc l’opportunité d’exploiter une supériorité numérique locale face aux milieux adverses et ainsi continuer la progression de l’action via la recherche du joueur libre. Tes joueurs ont toutefois rarement su exploiter ces situations de 3 contre 2 ou de 2 contre 1 à bon escient, préférant généralement rechercher immédiatement la profondeur plutôt que de fixer un adversaire pour libérer un coéquipier.
À quelques reprises, ils ont toutefois su exploiter ces situations, le porteur de balle venant alors fixer le joueur face à lui pour libérer son coéquipier et ainsi donner de la continuité à l’action. Cela a été le cas deux fois face aux milieux défensifs adverses, ainsi qu’une fois face à l’un des latéraux. Lors du seul moment où cela a été effectué face à l’un des latéraux du PUC, cela a d’ailleurs créé une situation franche face au but adverse : cette action a démarré de ton gardien, a duré 15 secondes, et s’est conclue par une frappe cadrée après une progression d’un but à l’autre effectuée en 3 passes.
Cette propension à verticaliser l’action dès le premier décalage créé a également eu des conséquences négatives pour ton équipe quant à un autre aspect, à savoir sa capacité à installer durablement le jeu dans le camp adverse. Même si ton équipe a été plutôt performante dans le contre-pressing, en récupérant de nombreux ballons immédiatement après avoir perdu la possession, cette volonté de verticaliser l’a parfois empêchée de prolonger ses temps de possession dans le camp du PUC. Encore une fois, tes joueurs ont alors eu des difficultés à identifier le joueur libre puis à le solliciter.
Lorsque les possibilités de verticaliser une fois le premier décalage créé sont réduites, il existe toujours la possibilité de bonifier la progression initiale en tentant d’installer le déroulement du jeu dans le camp adverse. Dans le cas de ton équipe, cela aurait pu consister, par exemple, à rechercher de façon plus régulière des renversements vers le couloir intérieur opposé, afin d’exploiter la supériorité numérique axiale face au double pivot adverse et solliciter le joueur y étant positionné, que ce soit le latéral ou le milieu relayeur. Cela était rendu possible grâce à la discipline affichée par tes joueurs au niveau de l’espacement et de l’étagement. Chacun de tes joueurs semble en effet avoir bien compris quelle zone il doit occuper au sein de la structure offensive de l’équipe, ce qui permet au collectif d’investir l’espace de façon rationnelle, avec une occupation constante de chaque zone du terrain. Théoriquement, cela devrait avoir des conséquences très positives quant à la capacité de ton équipe à changer de zone de façon fluide et à déplacer le jeu rapidement. Étant donné que tes joueurs sont bien espacés, toutes les zones verticales sont en effet occupées par au moins un joueur (couloir extérieur gauche / couloir intérieur gauche / couloir central / couloir intérieur droit / couloir extérieur droit), ce qui aurait pu permettre de renverser beaucoup plus régulièrement vers l’opposé et d’installer le déroulement du jeu dans le camp du PUC.
III – Actions contre-dynamiques collectives, manipulation et déséquilibre
Dans cette partie, je vais te présenter une multitude d’actions contre-dynamiques (ACD), certaines en détail et d’autres plus succinctement, dans l’espoir que cela t’incite à réfléchir encore davantage avec une logique de contre-pied. Pour présenter les ACD, je vais reprendre une partie de l’introduction de l’analyse que j’avais faite pour Salim l’année dernière, avec toutefois quelques précisions supplémentaires.
Dans une passionnante analyse sur le une-deux publiée sur le superbe site Konzeptfussball, le génial Jan-Gabriel Hartel définit les actions contre-dynamiques comme des actions individuelles ou collectives visant à exploiter la dynamique positionnelle ou la dynamique de course d’un ou plusieurs adversaire(s), en jouant à l’inverse de celle-ci, c’est-à-dire dans un espace qu’il est (ou qu’ils sont) temporairement dans l’incapacité physique de défendre. Pour parler plus simplement, les actions contre-dynamiques c’est la recherche du contre-pied, avec l’idée de progresser dès que possible par un espace que l’adversaire est dans l’incapacité physique de défendre, et qu’il ne contrôle donc pas. Pour simplifier encore davantage, une ACD pourrait se résumer par « je manipule un adversaire afin qu’il s’oriente ou se déplace dans un sens pour être capable de jouer dans l’autre sens, là où il ne pourra intervenir ».
« La clef du foot, c’est amener l’adversaire à toi » – Pep Guardiola
Le but d’une ACD est donc d’inciter un ou plusieurs adversaire(s) à s’engager défensivement grâce à une feinte ou un leurre, de façon à réduire ou supprimer la couverture défensive individuelle de ce(s) joueur(s) et ainsi créer des espaces à exploiter pour progresser.
Bien que non indispensable à l’exécution d’une ACD, la feinte est un élément extrêmement utile pour jouer à contre-pied. Elle permet en effet de conditionner le ou les joueur(s) ciblé(s) à être pro-actif, et donc à s’engager dans une dynamique défensive sur la base d’une lecture spécifique de la situation. Étant donné que les ACD peuvent prendre différentes formes en fonction des rapports numériques existant, la feinte (ou le leurre) est elle aussi diverse : une feinte peut ainsi être un dribble, une orientation corporelle ou du champ de vision, un positionnement, ou encore un déplacement sans ballon.
« I tried to trick the opposition into thinking I’d pass it wide again, and then – boom ! – I’d split them with an inside pass to a striker » / « J’essayais d’induire l’adversaire en erreur en lui faisant croire que je passerais le ballon vers le côté, et puis – boom ! – je les éliminais avec une passe à l’intérieur vers un attaquant » – Pep Guardiola
Pour parvenir à effectuer une ACD, qu’elle soit individuelle ou collective, et à manipuler un ou plusieurs joueur(s) adverse(s), il est essentiel de réussir à exploiter le conflit perceptif existant chez le défenseur entre l’intention implicite préalable manifestée par le porteur et son/ses coéquipier(s) et l’action réelle effectuée. Cette idée, mise en avant par Guardiola dans la citation précédente, avait été brillamment expliquée par l’excellent Patrick Mills dans un article qu’il semble depuis avoir retiré de son site. Pour préparer au mieux sa prochaine action défensive, le défenseur agira en effet d’abord en fonction de l’intention implicite préalable, c’est-à-dire à l’intention manifestée avant l’action par le porteur de balle et son/ses coéquipier(s). Par conséquent, il est essentiel de réussir à manipuler le défenseur, en l’amenant à s’engager grâce à un ou plusieurs leurre(s) sur la base de ce qu’il pense être en passe d’arriver, afin de pouvoir ensuite exploiter cette pro-activité à son avantage en jouant de façon contre-dynamique, là où il ne pourra physiquement plus intervenir. Créer une inadéquation entre l’intention implicite préalable et l’action réelle permet donc de prendre l’avantage sur le défenseur et de jouer de façon contre-dynamique.
Pour manipuler efficacement l’adversaire, l’équipe en possession devra idéalement tenter de l’inciter à s’engager dans une dynamique importante, à l’instar par exemple d’une course à haute intensité. Plus l’adversaire sera engagé dans une dynamique importante, plus il lui sera en effet difficile de se réorienter rapidement pour être en en capacité de s’opposer à la progression de l’action. Si l’engagement d’un adversaire dans une dynamique importante créé les conditions idéales à sa manipulation, il est toutefois également possible de prendre à contre-pied un adversaire s’étant engagé dans une dynamique plus faible, comme une simple orientation corporelle dans un sens ou encore un déplacement à faible intensité.
Exemple d’une ACD dans un 1 contre 1 :
Exemple d’une ACD dans un 2 contre 1 :
L’un des aspects intéressant d’une ACD collective est qu’elle peut permettre, via la manipulation d’un seul joueur au sein d’une ligne, d’éliminer la totalité de la ligne auquel ce dernier appartient. Cela est particulièrement le cas lorsque le joueur adverse ciblé est un joueur axial. Dans le monde professionnel ou amateur, il y a en effet d’innombrables équipes dont les joueurs éprouvent parfois des difficultés à se couvrir mutuellement au sein d’une même ligne. En utilisant à bon escient et efficacement les ACD, et en ciblant spécifiquement un joueur adverse, il est donc possible de créer constamment les conditions pour éliminer les différentes lignes adverses afin de progresser et déséquilibrer l’adversaire.
Si les ACD peuvent être particulièrement efficaces pour éliminer une ligne entière via la manipulation d’un joueur axial, elles peuvent également s’avérer utiles pour cibler un joueur de côté. Dans de nombreuses situations, le bénéfice tiré de ces ACD sera toutefois moindre, étant donné que le joueur ciblé par le mouvement à contre-pied sera généralement couvert par l’un de ses coéquipiers de l’axe, et donc que la capacité de l’équipe défendante à couvrir les espaces sera encore forte.
Ci-dessous une courte vidéo illustrant cela avec les U12 de Belaïd face au PSG, saison 2017-2018 :
Le point de départ de mon travail sur le jeu à contre-pied a été mon immense intérêt pour les ACD dans un 3 contre 1, qui me paraissent être l’une des formes collectives les plus simples à utiliser afin de pouvoir jouer régulièrement et efficacement à contre-pied.
« Les actions contre-dynamiques dans des situations de 3 contre 1 devraient être
un aspect essentiel de n’importe quel modèle de jeu offensif »
L’idée principale d’une ACD dans un 3 contre 1 est de permettre au 1er joueur – le porteur de balle – de trouver un 3ème joueur – le joueur bénéficiaire – via l’utilisation d’un 2ème joueur – le leurre.
Pour jouer une ACD dans un 3 contre 1, il faut donc :
– un porteur de balle, c’est-à-dire le joueur en possession en ballon
– un joueur leurre, c’est-à-dire le joueur qui va être utilisé pour manipuler le joueur à éliminer
– un joueur bénéficiaire, c’est-à-dire celui vers qui le porteur va jouer, et celui à qui va bénéficier l’ACD
« You need to dart about, pulling defenders with you but never looking to receive » / « Vous devez vous déplacer, attirer les défenseurs avec vous mais sans jamais chercher à recevoir » – Pep Guardiola à Thomas Müller et Robert Lewandowski à propos du rôle du leurre
Au football, un appel de balle peut servir deux objectifs :
– créer une option de passe pour le porteur
– créer des espaces à exploiter pour un coéquipier, que celui-ci soit le porteur de balle ou un 3ème joueur
À l’évidence, ces deux visées peuvent coexister au sein d’un même appel : l’auteur de l’appel de balle effectue alors un mouvement sans ballon visant tant à créer une option de passe pour le porteur de balle qu’à manipuler un ou plusieurs adversaire(s) et ainsi créer des espaces à exploiter pour un coéquipier.
À l’instar des explications de Guardiola, un mouvement sans ballon peut toutefois aussi servir uniquement à manipuler l’adversaire : dans ce cas-là, le joueur leurre ne cherchera pas à créer une option de passe pour le porteur, mais bien à manipuler l’adversaire et créer des espaces à exploiter pour l’un de ses coéquipiers.
Dans l’extrait vidéo ci-dessous, Erik Ten Hag parle à merveille de l’importance capitale des mouvements sans ballon en tant que leurres pour manipuler la structure défensive adverse. Le fantastique entraîneur de l’Ajax Amsterdam va même jusqu’à qualifier ces mouvements leurres comme étant la « clef du succès », tant il les considère essentiels pour « détruire l’adversaire ».
Pour manipuler le joueur à éliminer dans une ACD dans un 3 contre 1, il est possible de procéder par deux moyens principaux :
– par la position seule
– par la position et le mouvement sans ballon
L’idée sous-jacente à une ACD dans un 3 contre 1 est donc de créer et d’exploiter de petites situations de supériorités numériques (2 contre 1) face à un adversaire afin de faciliter sa manipulation, et ensuite pouvoir l’éliminer en jouant à contre-pied de son orientation corporelle / de son déplacement, là où il ne pourra temporairement plus intervenir.
Même si les ACD dans un 2 contre 1 peuvent être efficaces pour manipuler un joueur, les ACD dans un 3 contre 1 offrent davantage de facilités pour ce processus de manipulation. La présence d’un joueur supplémentaire accentuera la division de l’attention imposée au joueur ciblé : celui-ci devra alors s’informer dans davantage de directions, ce qui pourra l’amener à prioriser certaines prises d’informations par rapport à d’autres. L’équipe en possession pourra alors exploiter cela à son avantage pour le manipuler et l’éliminer. En ce sens, les ACD dans un 3 contre 1 favorisent donc l’utilisation de déplacements dans l’angle mort (= blind side) du joueur ciblé, à l’instar de l’appel de Justin Kluivert dans la vidéo ci-dessous.
“Mirar lejos. Lo primero que nos pedía Johan es que mirásemos lejos, a Romario” / « Regardez au loin. La première chose que Johan nous a demandé de faire est de regarder au loin, vers Romario. » – Pep Guardiola
Cette consigne de Johan Cruyff, rapportée par Pep Guardiola, est révélatrice d’une visée essentielle du football, à savoir la recherche perpétuelle de la meilleure action possible – c’est-à-dire celle qui aboutira à la progression la plus directe vers le but adverse. La quête sans celle renouvelée de l’objectif principal du football – marquer – doit idéalement conduire les joueurs à hiérarchiser constamment les options à leur disposition de façon à s’orienter vers les meilleurs choix possibles en fonction de cet objectif. S’il existe par exemple une opportunité nette de progression vers le but adverse en une passe plutôt qu’en cinq, dix ou quinze passes, il semble logique de privilégier la première option à la seconde, et ce quelque soit la philosophie de jeu envisagée.
Cet arbitrage permanent entre bonne action et meilleure action constitue l’un des fondements d’une action à contre-pied, dans la mesure où cette dernière créé toujours – au moins – deux actions exploitables pour le porteur de balle. Si la première de ces options est en fait un leurre, destinée à inciter l’adversaire à s’engager dans une dynamique, elle constituerait tout de même une action intéressante si elle était exécutée, étant donné qu’elle aboutirait à une progression vers le but adverse. Cette première action est toutefois généralement créée uniquement pour générer les conditions nécessaires à l’exécution de la seconde action – la meilleure des deux et par conséquent l’action à privilégier.
Une utilisation aboutie des ACD conditionne les joueurs de l’équipe en possession à fonctionner naturellement selon une logique de manipulation perpétuelle de l’adversaire, en amenant constamment celui-ci à s’engager pour défendre une bonne action, afin d’être capable ensuite de le prendre à contre-pied grâce à une meilleure action – c’est-à-dire celle aboutissant à la progression la plus franche vers le but adverse.
Dans le graphique ci-dessous, Firmino décroche de sa position haute pour créer une option de passe progressive entre les lignes pour Matip, le porteur de balle : cela incite son adversaire direct à sortir de sa ligne pour le cadrer préventivement, ce dont Diogo Jota profite pour se projeter dans l’espace créé, à contre-pied du déplacement du défenseur manipulé. Si l’on envisage cette action selon le raisonnement développé ci-dessus, Matip évalue ici les options à sa disposition afin de prendre la meilleure décision possible en fonction de l’objectif principal – marquer. Si Firmino représente une bonne option (flèche bleue) – passe progressive + accès à l’intérieur du bloc madrilène – Diogo Jota représente la meilleure option (flèche verte) – passe progressive + accès à l’intérieur de la surface madrilène + occasion nette : c’est cette seconde option qui sera intelligemment choisie par Matip.
Dans cette longue sous-partie de l’analyse seront examinées une grande diversité d’ACD collectives, allant de la forme la plus simple – le 2 contre 1 – aux formes plus complexes – le 5 contre 3 – en passant bien évidemment par une de mes formes préférées – le 3 contre 1. Les ACD analysées seront regroupées en fonction des joueurs ciblés par celles-ci : d’abord les milieux axiaux, puis les latéraux, et enfin les défenseurs centraux.
Afin d’évaluer ces actions à contre-pied, j’utiliserai parfois les critères d’évaluation d’une action footballistique mis en avant par Raymond Verheijen – à savoir la position, la direction, le moment et la vitesse :
- la position correspond à la position occupée par les différents protagonistes de l’action au départ de l’action envisagée
- la direction correspond à la direction de l’action envisagée, que ce soit la direction d’une passe, d’une conduite ou encore d’un mouvement sans ballon
- le moment correspond à la temporalité où l’action envisagée est déclenchée
- la vitesse correspond à l’intensité avec laquelle l’action envisagée est effectuée
III – A – Manipuler un milieu axial
Comme tu as pu le constater dans l’introduction de cette troisième partie, il existe deux grandes méthodes afin d’éliminer un milieu axial adverse. Ces méthodes sont dépendantes du rapport numérique existant face à ce dernier : le processus de manipulation peut s’effectuer soit en créant une supériorité numérique locale face au joueur adverse (ACD dans un 3 contre 1), soit sans créer de situation de ce type (ACD dans un 2 contre 1). Les entraîneurs mis en avant dans l’introduction ont généralement pour principe de créer une supériorité numérique face aux milieux axiaux adverses, de façon à faciliter non seulement la manipulation de l’un d’entre eux et mais aussi la progression vers le but à attaquer. Si le principe est le même pour tous, la façon de créer ces situations de supériorité numérique diffère toutefois, tant du fait des différents systèmes utilisés que des animations spécifiques mises en place au sein de ces derniers.
ACD – 2 contre 1 / contre milieu axial / déplacement à l’inverse de la direction du jeu du milieu relayeur
Si la création d’une supériorité numérique face au joueur à éliminer peut faciliter sa manipulation, il est donc également possible de le prendre à contre-pied sans créer de situation de ce type, à l’instar du double-mouvement effectué par Ilaix Moriba dans l’une des vidéos précédentes. Les déplacements à l’inverse de la direction du jeu peuvent constituer un excellent outil pour tes milieux relayeurs afin de se démarquer entre les lignes adverses et manipuler le joueur ciblé en dépit d’une situation d’égalité numérique (1 contre 1). Ces déplacements à l’inverse de la direction du jeu pourront être effectués soit via un mouvement « simple », soit via un double-mouvement, comme j’ai tenté de le démontrer il y a bientôt un an dans la vidéo ci-dessous.
Dans ce type de situations, le joueur cherchant à se démarquer assume deux fonctions : celle du joueur leurre et celle du joueur bénéficiaire.
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C’est avec grand plaisir que j’ai retrouvé les mêmes ACD collectives lors du match face au PUC que celles déjà entrevues par séquences l’année passée.
Comme je l’ai expliqué en introduction de cette analyse, le PUC défendait avec de fortes orientations « joueur » au milieu de terrain, ce qui devait en théorie faciliter la manipulation de ses milieux axiaux. Si tes joueurs ont parfois éprouvé des difficultés à exploiter les supériorités numériques locales face aux milieux axiaux adverses grâce à des fixations balle au pied, ils ont cependant réussi, sur une séquence, à les manipuler autrement, à savoir via des mouvements sans ballon.
ACD – 3 contre 1 / contre milieu axial / milieu relayeur vers extérieur + ailier vers intérieur (+ latéral vers l’avant)
Dans votre premier tiers du terrain, il y eut une superbe situation de ce type, avec un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur de ton milieu relayeur, afin de sortir son adversaire direct de l’axe, tandis que ton ailier effectuait un mouvement opposé vers l’intérieur du jeu afin d’exploiter l’espace créé. La couverture défensive du milieu défensif adverse était alors momentanément supprimée, une ligne de passe était créée, et la progression pouvait s’effectuer par l’axe du terrain.
Ce type d’ACD dans un 3 contre 1 contre un milieu est l’une de mes ACD collectives préférées : elle permet de manipuler un milieu axial adverse et ainsi de créer une possibilité de progression par l’axe du terrain, avec un nouveau porteur de balle trouvé face au jeu dans un couloir intérieur – autrement dit, dans des conditions idéales pour continuer l’action et capitaliser sur le décalage initial.
L’année passée, vous aviez déjà joué ce type d’ACD face à Sénart-Moissy, un adversaire d’une qualité supérieure à celle du PUC, mais utilisant le même système – le 4-2-3-1 – et le même type d’animation défensive – notamment avec de fortes orientations individuelles au milieu de terrain. Avant de poursuivre, je t’invite à revoir ces deux ACD.
Face au PUC :
Face à Sénart-Moissy :
Si l’idée principale de ces deux ACD est la même – à savoir des mouvements complémentaires milieu relayeur / ailier afin de manipuler le milieu axial adverse – le mode de fonctionnement diffère légèrement. Dans l’ACD contre le PUC, ton milieu relayeur côté ballon était en effet le seul à effectuer un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, le latéral restant quant à lui positionné dans l’axe du terrain. Face à Sénart-Moissy, ton latéral côté ballon s’était lui aussi déplacé, en effectuant d’abord le même déplacement que son coéquipier – un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur – puis un mouvement vers l’avant.
Si je prends le temps de souligner ces différences, c’est parce qu’elles peuvent avoir un impact quant au succès de ce type d’ACD. En effet, si la qualité d’une ACD se mesure évidemment par la suppression ou non (voire la réduction ou non) de la couverture défensive du joueur ciblé, elle peut aussi être évaluée quant à la qualité de l’espace-temps disponible pour le nouveau porteur de balle. Or, dans ce type d’ACD, il peut être nécessaire de manipuler un autre joueur que le milieu axial adverse, à savoir le latéral, celui-ci étant susceptible de réduire l’espace-temps disponible pour l’ailier au moment de recevoir. Si dans la plupart des situations, ce dernier sera réticent à suivre le déplacement de l’ailier vers l’axe du terrain, car cela l’amènerait trop loin de la zone dont il est responsable, il peut arriver qu’il fasse le choix inverse, et qu’il abandonne sa zone afin de rester au marquage du joueur bénéficiaire de l’ACD. Pour contrecarrer cela, et faire en sorte que l’ailier ait un espace-temps important au moment de recevoir, il est possible de s’appuyer sur un déplacement vers l’avant du latéral de l’équipe en possession : une rotation de position sera alors effectuée entre le latéral, le milieu relayeur et l’ailier. Ce déplacement placera le latéral adverse dans une situation de crise décisionnelle, où chaque choix à sa disposition pourra potentiellement avoir des conséquences négatives pour son équipe :
Lui faut-il suivre l’ailier, au risque de ne plus couvrir sa zone et ainsi permettre au latéral de l’équipe en possession de constituer une option intéressante dans la profondeur pour le porteur de balle ?
Dans ce cas, l’action à contre-pied sera alors considérée comme une ACD dans un 4 contre 2, avec 2 joueurs leurres (milieu relayeur + ailier), 2 adversaires à manipuler (milieu défensif + latéral) et un joueur bénéficiaire (latéral).
Ou lui faut-il ne pas suivre l’ailier afin de couvrir sa zone et gérer la montée du latéral, mais offrant ainsi un espace-temps conséquent au joueur bénéficiaire pour donner de la continuité à l’action ?
Au sein de ton système et ton animation, ce type de déplacement vers l’avant du latéral est évidemment moins naturel, étant donné que la position de base de ce dernier en phase offensive est à l’intérieur du jeu. Le double déplacement effectué par ton latéral gauche face à Sénart-Moissy prouve cependant qu’il est possible d’effectuer ce type d’ACD tout en posant une problématique au latéral adverse, un élément important non seulement pour libérer l’ailier au cœur du jeu, mais aussi pour ajouter de l’imprévisibilité aux attaques de ton équipe. La séquence proposée par ton équipe face au PUC prouve également qu’il est possible d’animer cette ACD différemment, avec l’objectif de mettre face au jeu un autre joueur que l’ailier – à savoir le latéral. Sur cette séquence, c’est ce dernier qui est le véritable joueur bénéficiaire du mouvement à contre-pied.
Étant donné qu’on en est à analyser en profondeur cette ACD, autant te donner encore davantage de détails et de précisions pour qu’elle puisse être la plus décisive possible pour ton équipe. Je m’attarderai ici seulement sur les critères de position et de direction au sein de cette ACD collective.
Position
Commençons par une remarque relative à la position ainsi qu’à la manière d’exploiter un espace – cette remarque s’appliquera à la grande majorité des ACD analysées par la suite. En Espagne, il y a une phrase qui dit « es major llegar que estar », ce qui peut se traduire par « c’est mieux d’arriver que d’être ». Cette phrase permet de comparer (et de hiérarchiser) deux façons d’investir l’espace : celui-ci peut être occupé soit de façon statique (être), soit de façon dynamique (arriver). S’il est considéré qu’il « est mieux d’arriver que d’être », c’est parce qu’il est plus difficile pour l’adversaire de contrôler un joueur occupant un espace de façon dynamique plutôt que statique.
Lorsqu’un joueur occupe un espace de façon dynamique, un élément d’imprévisibilité est en effet ajouté par rapport à une occupation statique : l’adversaire doit alors trouver un moyen de s’adapter pour contrôler ce déplacement. Dans une approche statique, le joueur est déjà positionné dans l’espace, ce qui donne davantage de confort à l’équipe adverse pour tenter de neutraliser la menace qu’il représente.
Cette idée a un impact sur la position à occuper préalablement à l’action, dès lors que l’action envisagée vise à manipuler un joueur adverse en l’incitant à quitter sa zone. Dans une approche statique, le joueur bénéficiaire de l’action est déjà positionné dans l’espace : de fait, le joueur manipulé sera alors sûrement réticent à suivre le mouvement du joueur leurre, ayant identifié le danger représenté par la présence du joueur bénéficiaire dans la zone. Dans une approche dynamique, le joueur bénéficiaire arrive dans la position à occuper, ce qui a généralement un impact positif sur le processus de manipulation du joueur adverse : étant donné qu’il n’y a initialement pas d’autre joueur que le leurre dans sa zone, le joueur adverse sera alors plus susceptible de suivre le mouvement du joueur leurre, et ainsi d’être manipulé.
Dans le type d’action considéré ici (manipuler un joueur adverse en l’incitant à quitter sa zone), le joueur bénéficiaire doit donc occuper initialement une position hors de la zone dans laquelle il souhaite recevoir. Cette position initiale lui permettra d’investir l’espace de façon dynamique, ce qui aura un impact positif quant à la qualité du processus de manipulation du joueur adverse – et par extension, à la réussite de l’ACD.
Direction
Idéalement, le déplacement du joueur leurre doit être un décrochage en diagonale vers l’extérieur plutôt qu’un simple déplacement horizontal vers la ligne de touche. Cela va éloigner encore davantage le joueur à manipuler de sa position dans la structure défensive de son équipe, ce qui le contraindra à parcourir plus d’espace pour se replacer, accentuant encore le déséquilibre généré.
Le mouvement du joueur bénéficiaire doit quand à lui être un mouvement opposé à celui de son coéquipier. Idéalement, ce mouvement doit également être effectué en diagonale, de façon à recevoir dans le sens du jeu. Pour gagner du temps sur sa prise de balle et disposer de la vitesse la plus importante possible pour attaquer la ligne défensive adverse balle au pied, il est préférable que le nouveau porteur de balle ne décroche pas pour recevoir. D’une part, cela l’obligera à effectuer un changement de direction pour s’orienter vers le but adverse une fois en possession (= perte de vitesse), d’autre part cela l’exposera à un pressing par l’arrière de la part des coéquipiers du joueur manipulé (= espace-temps à sa disposition moins important).
À l’évidence, les précisions apportées ci-dessus relatives à la direction renvoient à une situation idéale. Il n’est toutefois pas toujours possible de respecter tous ces critères, mais cela ne signifie pas pour autant que l’ACD analysée ici deviendra inopérante : celle-ci devra simplement être exploitée différemment par l’équipe en possession. Prendre l’exemple de la position initiale de l’ailier est utile pour illustrer cette idée : si ce dernier occupe déjà une position axiale préalablement au déclenchement de l’action, cela aura une incidence sur la direction de la course à effectuer pour se démarquer. Plutôt qu’un mouvement en diagonale de l’extérieur vers l’intérieur, celui-ci effectuera alors plutôt un simple décrochage. Si ce décrochage aura un impact négatif sur la vitesse avec laquelle il pourra ensuite enchaîner vers l’avant, la perte de vitesse induite par celui-ci pourra être compensée par une libération rapide du ballon de la part du joueur bénéficiaire, idéalement via une remise/déviation. De cette façon, la vitesse initiale de l’action pourra être maintenue, voire accentuée, et l’équipe en possession pourra capitaliser sur le premier décalage créé pour tenter de déséquilibrer encore davantage le bloc adverse.
Une différence dans la position initiale pourra donc avoir une incidence sur la post-action, c’est-à-dire l’action effectuée par le porteur de balle après le mouvement de démarquage collectif. La nature de cette post-action pourra aussi être influencée par la structure défensive adverse, par exemple dans le cas d’un milieu de terrain à 3. Dans ce type de situation, l’équipe adverse disposera encore d’une possibilité de couverture défensive au milieu de terrain une fois le joueur ciblé éliminé : avec un joueur positionné en couverture de ses partenaires, il sera encore possible pour l’adversaire de réduire l’espace-temps disponible pour le joueur bénéficiaire. La continuité de l’action passera alors par l’accessibilité à d’autres joueurs dans l’interligne, par exemple via des combinaisons rapides, de façon à ne pas subir la pression imposée par le joueur positionné en couverture.
ACD – 3 contre 1 / contre milieu axial / latéral vers extérieur + milieu relayeur vers intérieur
S’il est possible de manipuler les milieux axiaux adverses grâce à une association milieu relayeur / ailier, comme l’ont prouvé tes joueurs face à Sénart-Moissy et face au PUC, la structure offensive que tu as choisi t’offre également d’autres possibilités plus « naturelles » au vu de ton animation pour manipuler ces joueurs.
Alors que dans la configuration décrite juste avant, le milieu relayeur est le joueur leurre et l’ailier le joueur bénéficiaire, ces responsabilités peuvent évoluer afin de correspondre plus naturellement aux rôles dictés par ton animation avec ballon. Étant donné qu’au sein de ton animation offensive ton latéral occupe principalement une position à l’intérieur, il pourrait tout à fait être le joueur leurre, tandis que le joueur bénéficiaire serait cette fois le milieu relayeur, l’ailier se contentant alors simplement d’occuper la largeur.
Dans cette configuration, ce serait alors au latéral de manipuler le milieu axial adverse, grâce au même déplacement que celui décrit pour le milieu relayeur dans l’option précédente – un décrochage vers l’arrière en diagonale. Ton milieu relayeur occuperait quant à lui, au départ de l’action, une position dans l’intervalle milieu relayeur / ailier, et effectuerait ensuite un déplacement inverse à celui de son coéquipier, afin de recevoir en mouvement dans l’intervalle axial.
ACD – 3 contre 1 / contre milieu axial / latéral haut intérieur + milieu relayeur vers intérieur
Cette option avec un décrochage en diagonale vers l’extérieur du joueur leurre vise à éloigner autant que possible le joueur manipulé de sa position dans la structure défensive de son équipe. Il est toutefois possible de manipuler ce dernier autrement, sans ce décrochage et donc sans l’éloigner autant de sa position. L’année passée, je t’avais parlé de cette option : avec une position plus haute de ton latéral, à la hauteur de ton milieu relayeur entre les lignes adverses, une situation de 2c1 pouvait être créée face au milieu à manipuler. Grâce à cette supériorité numérique locale et à un positionnement de part et d’autre du joueur à éliminer, et si nécessaire un déplacement vers l’extérieur du latéral, le processus de manipulation du joueur adverse pourrait alors être facilité. En exploitant à bon escient le déplacement vers l’extérieur du milieu à manipuler, conforme à la direction du jeu et éventuellement à celui du latéral, ainsi qu’un déplacement de ton milieu relayeur à l’inverse de celle-ci, il serait alors possible de prendre à contre-pied le milieu adverse, supprimer sa couverture défensive et ainsi accéder à ton milieu relayeur entre les lignes.
Si cette option peut avoir des conséquences positives offensivement, elle peut cependant s’avérer risquée sur le plan défensif : avec un joueur de moins en dehors du bloc adverse, ton équipe aurait alors non seulement moins de stabilité pour faire circuler le ballon rapidement devant le bloc adverse, avec un porteur de balle incité à verticaliser, mais serait aussi moins équilibrée pour réagir efficacement en cas de transition défensive, du fait d’une structure de « rest-defence » moins fournie.
ACD – 3 contre 1 / contre milieu axial / milieu relayeur (vers) extérieur + option attaquant
Face à une équipe défendant avec un marquage individuel au milieu de terrain, il est aussi possible de progresser par l’axe via une ACD plus classique, grâce au décrochage d’un attaquant. Selon Pep Guardiola, il est même nécessaire de s’appuyer davantage sur ce dernier dans ce type de situations : « lorsqu’une équipe défend avec un marquage individuel au milieu de terrain, il est nécessaire de jouer beaucoup avec l’attaquant ».
La logique est similaire aux ACD décryptées juste avant, à savoir de créer et d’exploiter une supériorité numérique face au milieu à éliminer afin de faciliter sa manipulation. Encore une fois, étant donné que les milieux axiaux adverses sont au marquage individuel sur tes milieux relayeurs, ils priorisent donc de courtes distances vis-à-vis de leurs adversaires directs plutôt que de courtes distances vis-à-vis de leurs coéquipiers. Si les joueurs de ton équipe sont correctement espacés et étagés, et que tes milieux relayeurs occupent leurs positions dans leurs couloirs intérieurs respectifs, cela donnera une situation dans laquelle les milieux axiaux adverses seront loin l’un de l’autre, ce qui signifie qu’il y aura de l’espace à exploiter entre eux.
Ces espaces pourront être exploités par ton attaquant axial, via un décrochage depuis sa position haute face aux défenseurs centraux adverses. Une situation temporaire de 2c1 sera par conséquent créée face au joueur à éliminer, facilitant la manipulation de ce dernier : la progression de l’action pourra alors s’effectuer par l’axe du terrain.
Plus tôt dans cette analyse, j’ai expliqué que la qualité d’une ACD collective s’évalue à la fois par la suppression ou non de la couverture défensive du joueur ciblé, mais aussi par l’espace-temps à la disposition du joueur bénéficiaire au moment de recevoir. Bien qu’il soit important de créer un espace-temps substantiel pour le joueur bénéficiaire, il faut aussi être capable de s’adapter lorsque cela n’est pas le cas. L’une des options est que le porteur de balle ait autour de lui des options de passe immédiates, de façon à ne pas subir la pression, réduire les chances d’une perte de balle et augmenter celles que l’action se poursuive.
En général, un attaquant axial est souvent suivi de près par l’un des défenseurs centraux adverses en cas de décrochage entre les lignes : l’équipe adverse cherche alors à limiter l’espace-temps à sa disposition au moment de recevoir, et idéalement à l’empêcher de se retourner pour se mettre face au jeu. Si l’on réfléchit avec une optique collective, l’attaquant aura donc besoin de joueurs positionnés autour de lui pour donner de la continuité à l’action, que ce soit par une remise ou une déviation, avec toujours comme objectif de trouver un joueur libre face au jeu.
Dans le cas de ton équipe, l’ACD initiale pourra par exemple être bonifiée en accédant à l’un des relayeurs positionnés proches de l’attaquant axial. Pour recevoir la remise / déviation de leur coéquipier, ces derniers devront donc soit être déjà positionnés entre les lignes adverses, soit se déplacer pour arriver dans la zone au bon moment. Réussir à trouver tes relayeurs haut entre les lignes, que ce soit de façon directe ou indirecte, fait d’ailleurs partie des axes de progression de ton équipe.
Dans le cas où tes milieux relayeurs seraient inaccessibles, et le jeu entre les lignes impossible, une autre option serait de remiser vers ton milieu défensif positionné en soutien, à l’image de ce que l’Espagne a souvent fait lors de l’Euro cet été.
Les idées développées dans ce paragraphe sont abordées dans la vidéo ci-dessous :
ACD – 4 contre 2 / contre milieu défensif + défenseur central / milieu relayeur (vers) extérieur + décrochage attaquant + appel profondeur milieu relayeur opposé
Si la réponse de l’adversaire à une action de ton équipe peut sembler constituer un problème, il est aussi possible de considérer que la problématique posée par l’adversaire créé en réalité une opportunité pour ton équipe – et donc une solution. Dans le cas de l’exemple analysé ici, l’attaquant est suivi de près par le défenseur central adverse. Étant donné que celui-ci n’hésite pas à quitter la ligne défensive pour suivre le décrochage entre les lignes de son adversaire direct, un problème est alors posé à ton attaquant, alors en crise d’espace-temps au moment de recevoir. Si l’option consistant à positionner des coéquipiers autour de lui afin de pouvoir donner de la continuité à l’action est intéressante, une autre option plus directe, basée sur des principes contre-dynamiques, est également envisageable.
En quittant la ligne défensive pour suivre l’attaquant, le défenseur central s’engage dans un déplacement, et par conséquent dans une dynamique défensive, en plus de créer un espace à exploiter pour ton équipe dans son dos. Or, à chaque fois qu’un joueur adverse s’engage dans une dynamique défensive, une opportunité d’agir à l’inverse de celle-ci émerge : ce mouvement du défenseur central adverse créé donc une opportunité pour ton équipe d’agir de façon contre-dynamique, en jouant à l’inverse du déplacement de ce dernier, dans un espace qu’il sera dans l’incapacité physique temporaire de défendre. Dans ton animation offensive, le joueur le mieux placé pour exploiter l’espace créé dans le dos du défenseur central adverse est le milieu relayeur opposé, car il occupe généralement une position entre les lignes lui permettant d’être suffisamment proche de son coéquipier afin de pouvoir exploiter les espaces créés au sein de la ligne défensive adverse.
Une nouvelle fois, l’action à contre-pied ne sera alors plus considérée comme une ACD dans un 3c1, mais bien une ACD dans un 4c2, avec deux lignes adverses éliminées simultanément. Dans cette ACD, les joueurs à manipuler seront alors le milieu relayeur adverse côté ballon ainsi que le défenseur central opposé au ballon, tandis que les joueurs leurres seront le milieu relayeur côté ballon et l’attaquant axial. Enfin, le joueur bénéficiaire sera le milieu relayeur à l’opposé du ballon. Après visionnage de la vidéo ci-dessous, tu noteras que cette ACD n’a pas été jouée par le porteur de balle, alors même qu’elle aurait pu permettre de créer une occasion nette, ce qui souligne les progrès à faire au plus haut niveau quant à une utilisation plus régulière du jeu à contre-pied.
Ci-dessous une autre version d’une ACD dans un 4c2, avec un joueur bénéficiaire différent, l’ailier plutôt que le milieu relayeur – et une nouvelle fois une passe non jouée par le porteur de balle…
ACD – 4 contre 2 / contre milieux axiaux / milieu relayeur (vers) extérieur + décrochage attaquant + option milieu relayeur opposé
Si l’équipe adverse défend avec un marquage de zone d’une grande compacité horizontale, avec des milieux axiaux efficaces pour se couvrir mutuellement, alors la possibilité d’une ACD plus complexe – 4 contre 2 – émergera naturellement. Pour couvrir son coéquipier, réduire la distance avec celui-ci et fermer la ligne de passe vers l’attaquant, le milieu axial opposé coulissera en effet côté ballon, ce qui créera une opportunité de jouer à l’inverse de son déplacement, c’est-à-dire vers le couloir intérieur opposé via une passe en diagonale. L’action à contre-pied sera alors considérée comme une ACD dans un 4 contre 2, deux joueurs s’opposant directement à la progression de l’action ayant été manipulés avec succès. Ci-dessous une ACD dans un 4 contre 2 similaire, à la seule différence que le second leurre n’est pas l’attaquant mais un ailier s’étant réaxé :
Ci-dessous une autre ACD dans un 4 contre 2 avec l’ACBB, saison 2018-2019 :
III – B – Manipuler un latéral
Si la première ACD dans un 3 contre 1 analysée ici avait déjà été utilisée par ton équipe l’année passée, c’est également le cas de celle que nous décrypterons maintenant. Alors que les ACD présentées jusqu’ici visaient à supprimer la couverture défensive d’un milieu axial (milieu défensif/relayeur), les ACD qui seront analysées maintenant auront principalement pour cible un joueur positionné à l’extrémité de la ligne défensive, à savoir un défenseur latéral. Dans cette sous-partie, des ACD plus complexes seront une nouvelle fois également présentées : dans ces cas-là, le processus de manipulation visera alors un joueur supplémentaire en plus du défenseur latéral adverse – soit un milieu axial, soit un défenseur central.
ACD – 3 contre 1 / contre latéral / (décrochage) ailier extérieur + appel profondeur milieu relayeur
Cette ACD dans un 3 contre 1 est assez commune au plus haut niveau, et constitue un mécanisme de démarquage collectif régulièrement utilisé par des entraîneurs tels que Maurizio Sarri ou Luis Enrique. L’objectif de cette ACD est de manipuler le latéral adverse, en l’incitant à sortir cadrer le joueur positionné sur l’extérieur, afin de créer des espaces à exploiter dans son dos via l’appel en profondeur d’un autre joueur. Une nouvelle fois, une supériorité numérique locale est donc créée par l’équipe en possession afin de faciliter la manipulation et l’élimination du joueur ciblé. Cette ACD était déjà intégrée à ton animation offensive l’année passée, et vous l’avez encore une fois utilisée avec succès contre le PUC.
Dans un 4-3-3 avec une animation où les ailiers sont positionnés haut sur l’extérieur et les milieux relayeurs hauts à l’intérieur, à l’instar de ton animation ou celle de l’Espagne de Luis Enrique, c’est l’ailier qui occupe le rôle de leurre, tandis que le joueur bénéficiaire est le milieu relayeur. L’identité du porteur de balle initial peut toutefois varier selon le rôle dévolu au latéral : dans ton cas le porteur de balle est le défenseur central – étant donné que ton latéral est positionné bas à l’intérieur du jeu – tandis que pour la sélection espagnole c’est plutôt le défenseur latéral – étant donné que ce dernier est positionné bas sur l’extérieur.
Comme toutes les ACD collectives présentées dans cette analyse, cette ACD vise à exploiter la pro-activité du joueur adverse, en l’incitant à agir sur la base de ce qu’il pense être en passe d’arriver – dans ce cas, que le ballon soit transmis à l’ailier. Étant donné que le latéral adverse anticipe que le ballon sera transmis à l’ailier, une action conforme à la direction du jeu dictée par l’équipe en possession, il cherchera à réduire au maximum la distance avec son adversaire direct, de façon à limiter l’espace-temps à sa disposition au moment de recevoir, et ainsi se donner les meilleures chances d’effectuer une action défensive réussie. De ce fait, le latéral adverse sera engagé dans une dynamique défensive, qui sera d’autant plus importante en cas de décrochage de l’ailier le long de la ligne de touche. Les espaces créés dans le dos du latéral pourront alors être exploités par l’équipe en possession via le déplacement vers l’avant d’un coéquipier de l’ailier – dans le cas de ton équipe, le milieu relayeur. Engagé dans sa dynamique, le latéral adverse sera alors dans l’incapacité physique temporaire de réajuster suffisamment vite sa course pour pouvoir s’opposer à la progression de l’action. Grâce à l’inadéquation entre l’intention implicite préalable – transmettre le ballon à l’ailier – et l’action réelle – jouer dans la profondeur – un avantage décisif sera pris sur le latéral adverse, permettant de supprimer sa couverture défensive et à l’action de progresser.
Si cette ACD constitue un moyen plutôt simple de progresser vers le but adverse, elle présente toutefois quelques défauts, à commencer par l’espace-temps à disposition du joueur bénéficiaire au moment de recevoir le ballon. Ce premier défaut est constitutif des ACD en 3 contre 1 contre les latéraux adverses : même si le joueur ciblé a bien été pris à contre-pied, et sa couverture défensive supprimée, l’espace-temps à disposition du joueur bénéficiaire sera quasi-invariablement restreint. Dans ce type de situations, le joueur bénéficiaire sera en effet souvent cadré immédiatement par un joueur adverse – soit un milieu de terrain, soit le défenseur central côté ballon. Dans le premier cas, le milieu de terrain adverse suivra la course du milieu relayeur dès son déclenchement, de façon à couvrir son coéquipier, gérer la profondeur et réduire l’espace-temps à disposition du porteur. Dans le second cas, la logique sera similaire, à la seule différence que le défenseur central aura simplement à coulisser pour être à distance d’intervention du nouveau porteur de balle. Par ailleurs, du fait de cette pression d’un joueur adverse, le nouveau porteur de balle sera généralement contraint de s’orienter davantage vers la ligne de touche que vers le but adverse. Enfin, le joueur bénéficiaire sera alors dans une zone excentrée, l’espace le moins connectée aux autres, avec un nombre réduit de zones dans lesquelles jouer ensuite pour finir l’action – seulement le centre – et moins de directions possibles pour transmettre le ballon. L’option la plus indiquée pour le nouveau porteur de balle sera alors généralement d’essayer de conserver le ballon malgré la pression, puis de ressortir vers des coéquipiers positionnés en soutien.
Etant donné les différentes limites constitutives à cette action à contre-pied, il me semble qu’elle doit donc davantage être considérée comme un vecteur de progression vers le but adverse plutôt qu’une source de déséquilibre.
Cette action à contre-pied pourra uniquement être utilisée comme une source de déséquilibre et un moyen d’entrer dans la surface adverse selon certaines conditions spécifiques, parmi lesquelles un profil particulier du joueur bénéficiaire. Si ce dernier dispose de certains caractéristiques – fortes aptitudes dans le dribble, la résistance au pressing et la faculté à éliminer – alors il pourra envisager de transformer cette situation de crise d’espace-temps en une potentielle situation dangereuse devant le but adverse.
ACD – 4 contre 2 / contre latéral + défenseur central / côté vers axe / (décrochage) ailier extérieur + appel profondeur milieu relayeur + option profondeur attaquant
Dans la situation précédente, le joueur bénéficiaire de l’ACD est donc souvent cadré agressivement par le défenseur central adverse dès la réception du ballon, ceci réduisant l’espace-temps disponible à sa disposition et le contraignant parfois à s’orienter vers l’extérieur. Il existe toutefois une possibilité d’exploiter ce mouvement de cadrage du défenseur central adverse en amont, en jouant à contre-pied de sa course vers l’extérieur. Lorsque ce dernier choisit de quitter sa position pour sortir cadrer le joueur bénéficiaire, des espaces sont en effet créés dans l’axe du terrain. Ces espaces peuvent être exploités via la course d’un 3ème joueur, qui exploitera les espaces créés par son coéquipier pour se déplacer dans la profondeur. Tous deux induits en erreur par un joueur leurre, le latéral et le défenseur central adverses seront dans l’incapacité de s’opposer à la passe en profondeur vers ce 3ème joueur. L’ACD ne sera alors plus une action à contre-pied dans un 3 contre 1, mais bien une ACD dans un 4 contre 2.
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Dans les séquences mises en lumière ci-dessus, tes joueurs ont réussi à manipuler efficacement le latéral adverse grâce à des mouvements opposés complémentaires. Dans d’autres situations, les déplacements de ton ailier et de ton relayeur n’étaient cependant pas complémentaires : ceux-ci décrochaient en effet de façon simultanée pour solliciter le ballon dans les pieds, ce qui facilitait le pressing adverse et réduisait les possibilités de déséquilibre. Les joueurs du PUC pouvaient alors comprimer l’espace disponible et défendre en nombre dans une zone réduite, imposant de fait une pression immédiate intense sur le joueur sollicité dos au jeu et ses coéquipiers proches. Du fait de la propension adverse au marquage individuel, en particulier dans l’axe du terrain, d’autres mouvements complémentaires auraient pourtant pu être utilisés par tes joueurs pour manipuler le PUC, créer des opportunités de déséquilibre et progresser vers son but.
ACD – 3 contre 2 / contre latéral + milieu défensif / décrochage milieu relayeur + double-mouvement vers profondeur de l’ailier
En raison de leur orientation individuelle et du positionnement haut de tes milieux relayeurs, les milieux défensifs du PUC étaient souvent positionnés bas, parfois même au niveau de leur ligne défensive. Le milieu défensif du PUC côté ballon intégrait par séquences sa ligne défensive, formant ainsi une ligne de 5 avec ses coéquipiers. Même si ce positionnement haut de ton milieu relayeur côté ballon pouvait être productif pour attaquer la profondeur, à l’instar de l’ACD décrite précédemment, il réduisait la possibilité que l’ailier puisse lui aussi se montrer menaçant dans ce domaine, en raison de la présence d’un joueur adverse supplémentaire dans la zone – le milieu défensif du PUC. Pour créer un espace de progression dans le couloir intérieur, supprimer la couverture défensive du milieu défensif adverse, et ainsi être en capacité d’exploiter l’intervalle défenseur central – latéral, il aurait été possible d’utiliser des mouvements complémentaires inverses à ceux décrits précédemment. Alors que dans l’option précédente la priorité était de supprimer la couverture défensive du latéral adverse, via un décrochage de l’ailier et une projection du milieu relayeur, l’objectif principal était ici de manipuler le milieu défensif du PUC. La couverture défensive de ce dernier aurait pu être supprimée grâce à des mouvements opposés entre ton milieu relayeur et ton ailier – décrochage pour le premier et appel en profondeur pour le second.
Cette option a été brillamment utilisée à deux reprises par Manchester City face à Norwich cet été, avec deux buts somptueux à la clef. La logique était la même sur les deux actions : Bernardo Silva était le leurre, chargé de décrocher et d’attirer son adversaire direct, tandis que Gabriel Jesus était le joueur bénéficiaire, responsable quant à lui d’exploiter les espaces créés et d’attaquer la profondeur.
Si l’on pourrait décrire cette situation comme une ACD dans un 3c1, avec comme priorité la manipulation du milieu adverse, il paraît toutefois plus juste de l’envisager comme une ACD dans un 3 contre 2. La manipulation du latéral adverse est en effet extrêmement importante, dans la mesure où la prise à contre-pied de ce dernier augmente considérablement la possibilité que ce mouvement collectif aboutisse. Sur les deux séquences, le double-mouvement de Gabriel Jesus est ainsi décisif pour atteindre cet objectif. Son premier mouvement vers la largeur lui permet d’induire le latéral en erreur, en l’amenant à penser que Gabriel Jesus souhaite recevoir le ballon sur l’extérieur. Le latéral agit alors en fonction de ce qu’il pense être en passe d’arriver, et se déplace donc vers Gabriel Jesus, s’engageant dans une dynamique de course. Le second mouvement vise quant à lui à capitaliser sur l’incapacité physique temporaire à réagir du latéral pour exploiter les espaces créés et attaquer la profondeur via un appel en diagonale.
ACD – 3 contre 2 / contre latéral + défenseur central / décrochage de l’ailier + double-mouvement vers profondeur du latéral
Sur les séquences précédentes, les analystes anglophones auraient décrit la ligne défensive de Norwich comme un « situational back-five », c’est-à-dire une ligne « temporaire » de 5 défenseurs – existant uniquement en raison du marquage individuel du milieu de Norwich sur Bernardo Silva. Ce type de mouvement de démarquage collectif peut cependant s’avérer tout autant productif face à une « vraie » ligne de 5 défenseurs, comme en atteste cette ACD du PSG face au 5-3-2 lyonnais lors de la dernière finale de Coupe de la Ligue. En dépit d’une animation du 4-3-3 parisien différente de la tienne (relayeurs bas – ailiers haut intérieur – latéraux haut extérieur), la logique reste la même, avec les mêmes zones occupées et les mêmes ingrédients pour manipuler : porteur de balle positionné bas face au jeu, décrochage du joueur leurre dans le couloir intérieur et double-mouvement du joueur bénéficiaire depuis l’extérieur.
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Dans les trois séquences présentées ci-dessus, les double-mouvements de Kehrer et de Gabriel Jesus sont fondamentaux pour manipuler leur adversaire direct et le prendre à contre-pied. S’ils peuvent être utilisés simultanément aux mouvements de leurs coéquipiers, comme dans les exemples analysés, ils s’avèrent aussi très utiles dans les cas où la création d’une supériorité numérique locale n’est pas possible. Les double-mouvements constituent l’un des véritables trésors du jeu à contre-pied, dans la mesure où ils permettent à un joueur seul de créer une supériorité numérique « artificielle » face à son adversaire direct.
ACD – 2 contre 1 / contre latéral / déplacement à l’inverse de la direction du jeu de l’ailier
En complément ou simultanément à ces double-mouvements, tes ailiers pourront utiliser un autre outil très efficace pour prendre leurs adversaires directs à contre-pied et se démarquer – les déplacements à l’inverse de la direction du jeu. Ces déplacements sont évoqués dans l’une des vidéos postées dans cet article, mais ils concernent alors des milieux relayeurs/offensifs. Pour résumer, les déplacements à l’inverse de la direction du jeu ont une portée contre-dynamique dans la mesure où l’équipe adverse se déplace généralement conformément à la direction du jeu imposée par l’équipe en possession du ballon : par conséquent, se déplacer à l’inverse de la direction du jeu au bon moment revient à se déplacer à l’inverse de son adversaire direct, et potentiellement à contre-pied de celui-ci.
Lorsque l’équipe en possession déplace le jeu vers son côté, le latéral adverse se déplacera conformément à la direction du jeu, de façon à préparer au mieux sa prochaine action défensive face au joueur positionné positionné dans sa zone – dans le cas de ton équipe, l’ailier. Pour préparer au mieux sa prochaine action défensive, il cherchera à réduire la distance avec celui-ci, afin de limiter au maximum l’espace-temps à disposition de ton ailier au moment de recevoir. Du fait de ce déplacement, le latéral adverse sera engagé dans une dynamique de course, ce qui créera une opportunité pour ton ailier de se déplacer à contre-pied, et dans ce cas à l’inverse de la direction du jeu.
Ce déplacement exploitera tant la pro-activité du latéral adverse, celui-ci s’étant engagé sur la base de ce qu’il pensait être en passe d’arriver, que sa dynamique de course, celui-ci s’avérant incapable de réajuster suffisamment vite sa course pour s’opposer à la progression de l’action.
La position initiale de ton ailier préalablement au déclenchement de son action l’aidera à déterminer s’il est nécessaire pour lui de se servir d’un double-mouvement en plus de ce déplacement à l’inverse de la direction du jeu. S’il est positionné à l’intérieur et proche de son adversaire direct, à l’instar de Gabriel Jesus dans l’extrait présenté analysé tout à l’heure, alors il devra utiliser un double-mouvement, tant afin de déclencher la dynamique défensive de son adversaire direct que pour agrandir l’intervalle entre le latéral et le défenseur central adverse. S’il est en revanche déjà positionné sur l’extérieur, et que la distance avec le latéral est suffisante, alors il pourra se contenter du seul déplacement à l’inverse de la direction du jeu.
Au vu des qualités athlétiques de certains de tes ailiers, ces déplacements en profondeur peuvent potentiellement être l’une des grandes sources de déséquilibre pour ton équipe cette année, et encore plus s’ils utilisent les différents outils présentés dans ce paragraphe.
III – C – Manipuler un défenseur central
Jusqu’à ce point de l’analyse, les joueurs adverses manipulés par les différentes ACD présentées ont principalement été des milieux axiaux ainsi que des défenseurs latéraux. Dans la dernière sous-partie de ce (long) (très long) passage consacré aux actions contre-dynamiques, les ACD analysées viseront à manipuler les défenseurs centraux adverses.
À l’instar des explications développées dans l’introduction aux actions à contre-pied, une ACD collective peut permettre d’éliminer la totalité d’une ligne adverse grâce à la manipulation d’un seul joueur au sein de cette ligne : dans le monde professionnel ou amateur, il y a en effet d’innombrables équipes dont les joueurs éprouvent parfois des difficultés à se couvrir mutuellement au sein d’une même ligne. Cibler l’un des défenseurs centraux adverses est donc particulièrement intéressant quant à la recherche du déséquilibre, dans la mesure où le défenseur ciblé représente l’une des dernières couvertures défensives à supprimer pour accéder au but adverse.
Dans cette sous-partie, je te présenterai donc plusieurs actions à contre-pied visant à manipuler un défenseur central adverse, avec une variété tant dans les rapports numériques – 2 contre 1, 3 contre 1, 3 contre 2, 5 contre 3 – qu’au niveau de la position initiale du porteur de balle – couloir extérieur ou couloir central / intérieur – ou encore des objectifs de l’ACD – réduire ou supprimer la couverture défensive.
ACD – 3 contre 1 / contre défenseur central / décrochage attaquant + appel profondeur ailier
Dans une ACD dans un 3 contre 1, le rapport numérique permet de se servir d’un joueur uniquement comme d’un leurre : son rôle sera moins de recevoir le ballon que de manipuler son adversaire direct et l’inciter à suivre son décrochage entre les lignes. Simultanément à ce décrochage, un appel en profondeur devra être effectué dans l’angle mort du défenseur afin d’exploiter les espaces créés dans son dos.
Voici ci-dessous un exemple d’une ACD dans un 3 contre 1 face à l’un des défenseurs centraux adverses, avec un porteur de balle face au jeu entre les lignes (Tanguy Ndombélé), un décrochage de l’attaquant axial (Harry Kane) et un appel en profondeur de l’ailier dans l’angle mort du défenseur (Heung-Min Son).
Dans ton animation en 2-3-4-1, ce serait à ton attaquant axial d’occuper le rôle du joueur leurre et à l’un de tes milieux relayeurs celui du joueur bénéficiaire, à l’instar du graphique ci-dessous :
Avant de conclure cette sous-partie par la traditionnelle vidéo récapitulative regoupant plusieurs séquences, je m’attarderai rapidement sur quelques-uns des critères pour évaluer cette action à contre-pied – position et direction.
Position :
– porteur de de balle : dans le couloir central ou l’un des couloirs intérieurs / à l’intérieur ou hors du bloc adverse
– joueur leurre : occupation d’une position haute face à la ligne défensive adverse et au défenseur ciblé
– joueur bénéficiaire : occupation d’une position en soutien du joueur leurre ou haute face à la ligne défensive adverse mais dans une autre zone que celle occupée par le leurre
Direction :
– porteur de de balle : direction de la passe – dans la course du joueur bénéficiaire / direction de l’orientation corporelle – dans une autre direction que la zone de manipulation afin de créer un leurre additionnel
– joueur leurre : direction de l’appel en profondeur – vers la profondeur, dans l’espace créé par le mouvement sans ballon de son coéquipier / selon la position occupée préalablement au déclenchement de l’action, l’appel en profondeur peut être un appel « horizontal-vertical », un appel en diagonale ou encore un appel vertical
– joueur bénéficiaire : direction du décrochage – vers l’interligne, soit de façon verticale, soit en diagonale
ACD – 2 contre 1 / contre défenseur central / double-mouvement – décrochage puis profondeur
Comme nous l’avons déjà expliqué ici, créer une supériorité numérique locale face au joueur à éliminer n’est pas indispensable pour le manipuler efficacement et jouer à contre-pied. Dans les ACD analysées ci-dessous, le défenseur central adverse est en situation de 1 contre 1 face au joueur offensif : l’équipe en possession parvient à le manipuler grâce à l’utilisation d’un double-mouvement par le joueur bénéficiaire. Le premier mouvement de ce double-mouvement est un décrochage entre les lignes, destiné à déclencher la dynamique défensive du joueur ciblé, tandis que le second mouvement est un appel en profondeur visant à exploiter les espaces créés par ce premier mouvement, en capitalisant sur l’incapacité physique temporaire à réagir du défenseur adverse. À l’instar des explications développées dans l’introduction, l’auteur du double-mouvement doit ici aussi s’efforcer d’inciter son adversaire direct à s’engager dans une dynamique importante : plus la dynamique dans laquelle s’engagera le défenseur visé sera importante, plus il lui sera en effet difficile de réorienter sa course à temps pour être en mesure de s’opposer à la progression de l’action.
Si le rapport numérique dans cette ACD diffère de l’ACD dans un 3 contre 1 présentée juste avant, le procédé est toutefois le même : inciter le défenseur central adverse à s’engager en quittant sa ligne défensive afin de pouvoir exploiter les espaces créés dans son dos. Dans les deux cas, le but est donc, comme toujours dans une ACD, d’induire le défenseur en erreur, en l’amenant à agir sur la base de ce qu’il pense être en passe d’arriver (la recherche d’un joueur entre les lignes) afin qu’il s’engage et qu’il soit donc dans l’incapacité physique temporaire de s’opposer à l’action choisie (la recherche d’un joueur dans la profondeur). Au-delà du rapport numérique, la seule différence entre ces deux ACD est l’identité du joueur bénéficiaire : dans l’ACD dans un 3 contre 1, c’est un 3ème joueur, différent du joueur leurre, tandis que dans l’ACD dans un 2 contre 1 c’est le joueur leurre lui-même – celui-ci assume alors deux rôles (leurre et bénéficiaire).
ACD – 3 contre 1 / contre défenseur central / appel profondeur (vers extérieur) attaquant + projection coéquipier
Alors que les ACD précédentes étaient jouées dans l’axe – couloir intérieur ou couloir central – celles qui seront présentées dans cette partie sont effectuées lorsque le porteur de balle est en possession sur le côté, c’est-à-dire dans l’un des couloirs extérieurs – à l’instar de la première séquence analysée par Erik Ten Hag dans la vidéo en introduction de cette partie.
Si l’on considère que l’un des aspects fondamentaux de la phase offensive est de faire bouger l’adversaire notamment grâce à la circulation du ballon, on peut en déduire qu’il est absolument essentiel en phase offensive de ne jamais se retrouver dans des situations d’isolation, que ce soit individuellement ou collectivement – hormis pour exploiter une supériorité qualitative. Or, cela est le plus susceptible d’arriver sur les côtés, les zones les moins connectées aux autres et où les options théoriques à disposition du porteur sont les plus réduites. Grâce à des mouvements sans ballon dans les couloirs intérieurs – décrochages, mouvements vers l’extérieur, appels en profondeur – il est possible de manipuler la structure défensive adverse afin de recréer des lignes d’actions vers l’axe du terrain, et donc de se prémunir de potentielles situations d’isolation favorables aux pertes de balle. Lorsque le ballon se trouve dans les zones extérieures, le dynamisme positionnel dans les couloirs intérieurs permet donc de contrebalancer les limites stratégiques inhérentes aux côtés, de se prémunir de potentielles situations d’isolation et de recréer des lignes d’action vers l’axe du terrain.
À l’origine, j’envisageais principalement ce dynamisme positionnel dans les couloirs intérieurs par le biais de mouvements en profondeur. Cela doit d’ailleurs te rappeler une animation spécifique du 2-4-1 de Romain ou Belaïd à Villejuif, avec un appel en profondeur du milieu relayeur à l’intérieur dès lors que son coéquipier positionné sur l’extérieur s’apprêtait à recevoir / était en possession du ballon.
Que ces mouvements en profondeur soient effectués dans le football à 8 ou à 11, ils visaient à attaquer les espaces dans le dos du latéral adverse, avec un appel dans l’intervalle défenseur central – défenseur latéral. Ces mouvements visaient autant à créer une option de passe progressive dans la profondeur pour le porteur de balle qu’à manipuler le défenseur ciblé et ainsi recréer des routes d’actions vers l’axe du terrain. Si ces deux options permettent de progresser vers le but adverse, elles n’ont toutefois pas la même valeur stratégique. J’avais expliqué ceci dans une analyse sur le 4-4-2 en losange du Red Bull Salzbourg, époque Marco Rose :
« Même si les joueurs effectuant ces appels en profondeur dans les couloirs intérieurs sont souvent servis par leurs partenaires, cela ne constitue pas la solution la plus intéressante stratégiquement. En effet, comme expliqué précédemment, le ballon est alors souvent reçu dans une position excentrée, loin du but, dans laquelle le porteur subit la pression d’un défenseur adverse. Si le dynamisme positionnel dans les couloirs intérieurs est un élément fondamental du projet de jeu de Salzbourg, c’est parce qu’il offre des potentialités stratégiques supérieures à la simple recherche de la profondeur, et en particulier parce qu’il peut être utilisé comme un moyen efficace pour revenir dans l’axe du terrain lorsque le ballon est sur le côté.
« … »
Que ces appels en profondeur soient effectués par les relayeurs ou les attaquants, les latéraux de Salzbourg sont excellents pour exploiter par la passe les espaces créés par les déplacements de leurs coéquipiers : dans ces situations, ils se servent très souvent des appels de leurs coéquipiers pour jouer des passes au sol vers leurs partenaires situés dans l’axe. Grâce à ces passes horizontales ou diagonales, ils permettent à leur équipe de quitter une zone stratégiquement limitée – les couloirs extérieurs – et d’accéder à des zones stratégiquement supérieures – les couloirs intérieurs et le couloir central.
« … »
Si les latéraux choisissent le plus souvent cette passe vers l’axe plutôt que celle en profondeur lorsqu’un de leurs coéquipiers se projette dans le couloir intérieur, c’est également parce que la zone de réception de ces passes en diagonale a une valeur stratégique plus importante que celle des passes en profondeur.
L’axe est en effet la zone la mieux connectée aux autres, puisqu’elle se trouve au centre de celles-ci, ce qui signifie qu’en dépit de la densité adverse dans l’axe, Salzbourg a dans ces situations une diversité d’actions potentielles plus importante pour finir l’action, que ce soit individuellement ou collectivement, ce qui créé plus d’incertitude pour l’adversaire.
Cette diversité d’actions potentielles pour conclure se reflète tant dans la possibilité d’accéder à plusieurs zones qu’à la variabilité accrue en terme de directions des passes possibles : Salzbourg peut tant rester dans l’axe que jouer vers l’un des couloirs intérieurs ou l’un des côtés, et les passes peuvent tant être verticales que diagonales ou horizontales. Sur les côtés de la surface, les zones où le joueur qui s’est projeté reçoit le ballon, l’accessibilité à d’autres zones et la variabilité en terme de direction des passes sont moins importantes : pour finir l’action, le ballon ne peut que revenir au centre, et les passes peuvent seulement être horizontales ou diagonales. »
Certaines de ces explications doivent te rappeler celles développées dans l’une des ACD dans un 3 contre 1 utilisée par ton équipe (contre latéral / (décrochage) ailier extérieur + appel profondeur milieu relayeur). À l’instar du joueur bénéficiaire de cette ACD, l’auteur du déplacement en profondeur reçoit également ici le ballon dans une position excentrée, loin du but, et cadré par un défenseur adverse, alors que le joueur bénéficiaire potentiel recevrait lui dans l’axe, avec de la vitesse, avec nombre d’options à disposition pour finir l’action. Et pourtant, comme tu pourras le constater dans la vidéo concluant cette sous-partie, de multiples joueurs / équipes continuent à privilégier la passe vers le joueur leurre plutôt que vers le joueur bénéficiaire. Or, à quoi bon déstructurer une ligne défensive si c’est pour ne pas en profiter ? C’est une question que je me suis souvent posé, et notamment en regardant Lille, comme en atteste cet extrait d’une analyse du match Lille – AS Rome :
« Cela doit donc être une piste de développement à approfondir pour le staff technique lillois, car cela donnerait une variabilité accrue à leurs attaques depuis des zones excentrées, en plus d’ajouter une arme létale à leur arsenal offensif (et il serait ENFIN possible de voir une équipe française utiliser régulièrement des actions contre-dynamiques dans un 3 contre 1 face à la ligne défensive adverse).»
Même si ces appels en profondeur peuvent constituer une opportunité de progression pour l’équipe en possession, il semble donc plus intéressant d’un point de vue stratégique, si cela est possible, de se servir de ces appels pour rechercher l’axe… du moins à une exception près.
Si ces appels en profondeur dans les couloirs intérieurs sont effectués dans les 20 derniers mètres, et qu’ils créent une porte d’entrée dans la surface de réparation, ou juste à l’extérieur de celle-ci, alors la situation change radicalement : statistiquement, il y a en effet deux fois plus de chances de marquer lorsque la dernière passe est jouée depuis cette zone (la fameuse assist zone) plutôt que depuis une position plus excentrée et lointaine à l’extérieur de la surface de réparation. Cette zone est d’ailleurs continuellement recherchée via différents circuits par le Manchester City de Pep Guardiola.
Au-delà cette situation spécifique, il est particulièrement intéressant d’utiliser cet appel profond (soit vertical, soit diagonal vers l’extérieur) comme d’un leurre pour manipuler le défenseur central adverse et jouer vers un autre joueur dans l’axe du terrain. Ce type d’ACD peut évidemment être effectué face à des défenses à 5, mais elle est alors plus compliquée à exécuter en raison de la présence d’un défenseur supplémentaire, et par conséquent d’une possibilité de couverture défensive additionnelle pour l’équipe adverse. Cette ACD est donc davantage susceptible d’être efficace lorsqu’elle est jouée face à une défense à 4. Elle peut alors s’avérer extrêmement utile tant pour accéder à l’intérieur des lignes et jouer une avant-dernière ou dernière passe que pour générer une situation de frappe.
Pour que cette ACD soit exécutée et réussie, il est toutefois nécessaire de respecter quelques conditions relatives aux critères d’appréciation d’une action footballistique décrits par Raymond Verheijen. Je ne parlerai ici que de la position et de la direction, juste le temps de souligner deux détails importants pour exécuter cette ACD avec succès :
1 – fixer le défenseur central opposé
Cette action à contre-pied est similaire à une autre ACD dans un 3 contre 1 présentée ici (contre milieu relayeur / relayeur vers intérieur – ailier vers intérieur), dans la mesure où elle nécessite elle aussi la présence d’un joueur supplémentaire en plus des acteurs habituels (porteur, leurre, bénéficiaire). Il peut en effet être nécessaire de fixer le défenseur central opposé, afin de l’inciter à rester en place et à ne pas réduire la distance entre le joueur manipulé et lui-même. Pour inciter ce dernier à ne pas coulisser pour fermer l’intervalle, il est possible de positionner un joueur dans son dos, que ce soit dans l’intervalle défenseur central axial – défenseur central excentré (défense à 5) ou défenseur central – latéral (défense à 4). Ce positionnement d’un joueur offensif supplémentaire amènera idéalement celui-ci à prioriser le contrôle du joueur situé dans sa zone à la couverture de son coéquipier de la défense centrale : s’il fait ce choix, le joueur bénéficiaire aura alors de l’espace à exploiter dans l’axe du terrain. En ce sens, il serait d’ailleurs possible d’affirmer que cette ACD dans un 3 contre 1 est en réalité une ACD dans un 4 contre 2, étant donné la nécessité de manipuler un joueur supplémentaire.
2 – occuper les espaces créés de façon dynamique
À l’instar des explications développées plus tôt dans cette analyse, le joueur bénéficiaire ne doit pas occuper l’espace qu’il souhaite attaquer préalablement au déclenchement de l’action, mais bien arriver dans celui-ci au bon moment. Il y a en effet une différence majeure entre le fait d’occuper un espace de façon statique ou de façon dynamique. S’il occupe la position à attaquer avant même la course en profondeur de son coéquipier, alors l’autre défenseur central identifiera la menace qu’il représente et priorisera la couverture de son coéquipier plutôt que le contrôle du joueur positionné dans son dos. S’il occupe l’espace à attaquer de façon dynamique, alors les chances que le défenseur central opposé coulisse et intervienne seront plus faibles.
Par ailleurs, cette occupation dynamique de l’espace créé permettra au joueur bénéficiaire de recevoir en mouvement, et ainsi à l’action de garder de la vitesse. S’il occupait l’espace de façon statique, il recevrait le ballon arrêté, et l’action perdrait alors en vitesse.
Cette ACD n’est pas exclusive à un système particulier : elle peut être créée dans bon nombre de systèmes et d’animations. Si la configuration la plus naturelle pour ce type d’action est un trio avec un milieu offensif axial en soutien de deux attaquants, à l’instar du 4-4-2 en losange ou du 3-4-1-2, il est également possible de faire émerger cette situation dans d’autres systèmes grâce à des animations spécifiques.
Dans l’analyse tactique préparée pour Salim l’année passée, j’avais parlé du sujet évoqué ici et de l’importance de savoir utiliser ces mouvements profonds dans les couloirs intérieurs pour réouvrir des routes d’actions vers l’axe. Salim utilisait alors un 3-4-1-2, un système « naturellement » favorable à l’émergence de ce type de situations. Une fois qu’il est passé au 4-3-3, il s’est brillamment inspiré d’une des vidéos postées dans l’analyse en question pour conserver ce principe au sein de son nouveau système. Alors que dans son 3-4-1-2 c’est l’attaquant côté ballon qui était le joueur leurre et le milieu offensif le joueur bénéficiaire, c’était désormais à l’ailier intérieur d’occuper le rôle du leurre et à l’attaquant axial celui du joueur bénéficiaire, à l’image du Liverpool de Jürgen Klopp sur le graphique ci-dessous.
Sur le graphique ci-dessus, il est possible de constater que les deux précisions mises en avant plus haut sont respectées : Mané (10) réoriente sa course de façon à fixer et manipuler le défenseur central opposé, tandis que Firmino (9) occupe les espaces créés de façon dynamique, en se déplaçant pour recevoir dans l’espace créé.
Dans un 4-3-3, il est donc nécessaire que l’attaquant axial adapte son positionnement dans ce type de situations, en occupant une position intermédiaire préalablement au déclenchement de l’action plutôt qu’une position haute face aux défenseurs centraux, à l’instar de Firmino sur le graphique ci-dessus, ou de l’attaquant de l’équipe de Salim sur le graphique ci-dessous. Cette position intermédiaire digne d’un faux 9 lui permettra d’exploiter l’espace créé par ses coéquipiers de façon dynamique, et ainsi d’avoir de la vitesse au moment d’enchaîner vers l’avant.
Après avoir fini l’écriture de cette analyse et être passé à la conception des graphiques, j’ai vu l’Espagne de Luis Enrique jouer une séquence respectant les points évoqués ici. Je n’avais d’autre choix que de l’ajouter ici, d’autant plus qu’elle prouve une chose – l’influence grandissante du jeu à contre-pied dans le football de haut niveau : au vu de ce but et des modifications récentes apportées à leur structure offensive, Luis Enrique et son staff semblent s’orienter vers une utilisation plus régulière et aboutie des actions contre-dynamiques.
Si ton 4-3-3 est animé différemment de celui alors utilisé par Salim, il est toutefois évidemment compatible avec ce type d’action à contre-pied : dans ton animation, le porteur de balle serait l’ailier, le joueur leurre serait le milieu relayeur, tandis que le joueur bénéficiaire serait une nouvelle fois l’attaquant axial.
Comme tu pourras le constater dans la vidéo ci-dessous, il y a différentes façons d’exploiter cette ACD. Celle-ci pourra ainsi servir à créer une opportunité de dernière ou d’avant-dernière passe, ou encore une occasion nette face au but adverse. La réponse de l’adversaire au problème posé sera évidemment diverse selon les situations : les joueurs de l’équipe en possession devront donc être capables de s’adapter à ces choix adverses afin de les exploiter à leur avantage.
ACD – 2 contre 1 / contre défenseur central / double-mouvement de l’attaquant – profondeur vers extérieur + profondeur vers intérieur
Ces mouvements en profondeur pour manipuler un défenseur adverse et créer des espaces dans l’axe peuvent également être utilisés dans des situations de 2 contre 1, une nouvelle fois grâce à un double-mouvement. Bien que le double-mouvement présenté ci-dessous soit effectué dans une direction initiale différente aux double-mouvements présentés avant, cet outil prouve une nouvelle fois sa (grande) utilité afin de manipuler un adversaire et permettre le jeu à contre-pied.
Dans cette situation, le premier mouvement de l’attaquant sera conforme à celui du leurre dans la sous-partie précédente : il sera donc effectué en profondeur, et éventuellement en diagonale vers l’extérieur, de façon à induire le défenseur adverse en erreur en l’incitant à déclencher une dynamique défensive correspondante l’éloignant de l’axe. Le second mouvement sera destiné à exploiter les espaces créés par le premier déplacement, et à capitaliser sur l’incapacité physique temporaire du défenseur à réagir à temps. Ce second mouvement sera effectué à l’opposé du premier mouvement, vers l’intérieur, dans une zone que le défenseur sera dans l’incapacité physique temporaire de protéger.
Le double-mouvement présenté ici fonctionne donc selon le même principe que l’ACD dans un 3 contre 1 équivalente. Le leurre est un appel en profondeur destiné à manipuler le joueur ciblé, tandis que le déplacement pour exploiter l’espace est un autre appel de balle effectué vers l’axe dans la zone libérée. Une nouvelle fois, le joueur effectuant le double-mouvement assume alors deux fonctions : celle du joueur leurre et celle du joueur bénéficiaire.
Précision sur les double-mouvements
J’ai hésité à regrouper tous les double-mouvements dans une seule partie, mais j’ai finalement décidé de structurer mon analyse autrement : je souhaitais en effet montrer que pour chaque double-mouvement effectué, il existait une ACD correspondante avec un rapport numérique supérieur. Si cela peut être utile à tes joueurs à toi, peut-être serait-il judicieux que j’effectue une vidéo récapitulative sur les double-mouvements, sur le même modèle que celle concernant les déplacements à contre-pied des milieux relayeurs/offensifs.
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Après avoir analysé quelques-unes des ACD possibles pour manipuler les défenseurs centraux adverses, la dernière sous-partie de cette section sera consacrée aux centres en retrait, l’une des armes fatales du football.
Si les centres en retrait constituent l’un des moyens les plus efficaces en termes de création d’occasions nettes, c’est en partie du à leur nature contre-dynamique. Cette dimension contre-dynamique est évidente, dans la mesure où les centres en retrait sont toujours effectués à l’inverse de la dynamique défensive initiale des défenseurs. L’excellentissime Tom Payne a expliqué cela en 2015 dans une extraordinaire analyse sur le Borussia Dortmund de Thomas Tuchel : « Les centres en retrait sont joués à l’opposé de la dynamique des défenseurs. Lorsque le ballon est joué dans une zone dangereuse, cela attire automatiquement les défenseurs : ainsi, lorsque le centre en retrait est effectué, le ballon est joué dans un espace à l’opposé de la course des défenseurs. Bien que la frappe s’en suivant soit effectuée dans une zone extrêmement dangereuse, le tireur a tout de même du temps, les défenseurs étant alors dans l’incapacité de changer instantanément la direction de leur course. »
Dans les situations de centre en retrait, les défenseurs sont conditionnés dans leurs orientations et déplacements par la direction du jeu initialement dictée par l’équipe en possession du ballon. Lorsque cette dernière se crée une opportunité de centre, les défenseurs adverses se déplacent donc naturellement vers leur but : engagés dans leurs dynamiques, ils seront par conséquent souvent dans l’incapacité physique temporaire de changer la direction de leur course de façon suffisamment rapide afin de pouvoir s’opposer au centre en retrait.
Il existe toutefois une différence majeure entre les ACD présentées précédemment et les ACD via des centres en retrait. Alors que dans les ACD précédentes le but était de supprimer la couverture défensive d’un ou plusieurs joueur(s), l’objectif est ici de réduire la couverture défensive du ou des défenseur(s) visé(s) par l’ACD. Lors d’un centre en retrait, la couverture défensive du ou des joueur(s) ciblé(s) n’est en effet pas supprimée, étant donné qu’il est / qu’ils sont encore positionné(s) sur l’axe ballon-but. Si leur couverture défensive n’a pas été supprimée, elle a toutefois été réduite, dans la mesure où ils ne sont alors plus à distance d’intervention du joueur bénéficiaire de l’ACD. Ils ne seront donc pas en position d’empêcher le joueur bénéficiaire de frapper, mais ils pourront cependant tenter de contrer son tir grâce à leur positionnement entre le ballon et le but.
Les centres en retrait peuvent être utilisés dans différents types d’actions à contre-pied. Plus les joueurs engagés dans l’action (attaquants comme défenseurs) seront nombreux, plus la nécessité d’utiliser des mouvements sans ballon comme leurres deviendra importante, ce que je tenterai de démontrer ci-dessous.
ACD – 2 contre 1 / contre défenseur central ou latéral / centre en retrait
Étant donné que la direction du jeu choisie par l’équipe en possession conditionne l’orientation et le déplacement du défenseur à manipuler, il n’est pas toujours indispensable de créer une supériorité numérique locale pour jouer un centre en retrait et prendre celui-ci à contre-pied. Contraint par la direction du jeu et par sa volonté de protéger son but, le défenseur se déplacera en effet vers celui-ci même lorsqu’il n’y aura pas de joueur attaquant la zone des 6 mètres – du moins dans un premier temps.
Pour exécuter avec succès une ACD dans un 2 contre 1, il n’est donc généralement pas indispensable de créer une supériorité numérique face au joueur à manipuler : conditionné par la direction du jeu dictée par l’équipe en possession avant le centre, celui-ci aura en effet tendance dans un premier temps à se déplacer naturellement vers son but.
Le premier déplacement de l’attaquant devra donc logiquement être conforme à la direction du jeu choisie préalablement au centre, c’est-à-dire en direction du but adverse. Ce premier mouvement servira tant à venir se positionner dans la surface adverse qu’à manipuler son adversaire direct et l’inciter à prolonger sa course. Ce mouvement devra ensuite être interrompu brusquement par l’attaquant, de façon à exploiter à son avantage la dynamique du défenseur et ainsi se démarquer pour recevoir le centre en retrait. Dans la plupart des situations de centre en retrait dans un 2 contre 1, il me semble que le mouvement de démarquage de l’attaquant ne peut donc être considéré comme un double-mouvement, étant donné qu’il effectue alors simplement un premier mouvement suivi d’une course brusquement interrompue, et non deux mouvements consécutifs dans différentes directions à l’instar d’un double-mouvement.
Les double-mouvements peuvent toutefois être utilisés pour se démarquer dans ce type de situations, mais il me semble qu’ils sont plus rares. Dans ce cas-là, un premier mouvement conforme à la dynamique adverse sera effectué par l’attaquant, puis ce dernier changera brusquement de direction pour se démarquer via un second mouvement.
À l’instar des autres ACD dans un 2 contre 1 présentées dans cette analyse, l’attaquant cherchant à se démarquer pour recevoir le centre en retrait assumera alors deux rôles – celui de joueur leurre et celui de joueur bénéficiaire.
ACD – 3 contre 1 – 3 contre 2 – 5 contre 3 / contre défenseur central et/ou latéral / centre en retrait
Si la création d’une situation de supériorité numérique locale n’est pas indispensable pour manipuler le défenseur dans une ACD dans un 2 contre 1, elle ne l’est pas non plus lorsque le rapport numérique s’accroît.
Dans le cas d’une égalité numérique face aux défenseurs adverses, il est possible de compenser l’absence d’une supériorité numérique locale grâce à la direction de l’appel de balle du joueur leurre. Dans une situation où les attaquants sont en 2 contre 2 face aux défenseurs (ACD dans un 3 contre 2), la direction de l’appel de balle du joueur leurre peut s’avérer capitale, dans la mesure où elle doit permettre de manipuler les deux défenseurs adverses et ainsi de libérer le joueur bénéficiaire. Pour cela, le joueur leurre devra chercher à diriger son appel dans le dos du premier défenseur – c’est-à-dire entre les deux défenseurs adverses : de cette façon, le second défenseur sera incité à couvrir son coéquipier et donc à se désintéresser du joueur bénéficiaire.
Tes joueurs ont brillamment démontré cela la saison passée face à Sénart-Moissy. Alors qu’ils se trouvaient dans une situation de 2 contre 2 dans la surface, tes attaquants du moment se sont parfaitement répartis les rôles et les zones afin de manipuler les défenseurs adverses et créer une opportunité de jeu à contre-pied. Sur cette action, l’un de tes attaquants a joué le rôle de leurre à merveille : il a réussi à manipuler les défenseurs adverses à lui seul grâce à un seul appel. Plutôt que d’effectuer son appel au premier poteau, il s’est déplacé vers les 6 mètres, dans l’espace entre les deux joueurs de Sénart-Moissy : cela lui a permis de manipuler 2 joueurs à la fois, et donc d’empêcher le défenseur présent au second poteau de sortir cadrer plus rapidement son coéquipier. Ce mouvement sans ballon s’est donc avéré décisif : il a manipulé 2 défenseurs et a créé un espace-temps suffisant pour que son coéquipier puisse frapper et marquer. Si le joueur leurre avait effectué son mouvement dans une autre direction, par exemple vers le premier poteau, le défenseur présent au second poteau n’aurait pas eu à couvrir son coéquipier : il aurait donc pu réajuster sa course plus tôt et possiblement intervenir sur la ligne de passe vers le joueur bénéficiaire.
Si la création d’une situation de supériorité numérique n’est pas indispensable lors d’un centre en retrait, elle peut toutefois se révéler très utile dans les situations avec un rapport numérique supérieur au 2 contre 1, notamment afin d’accentuer le processus de manipulation imposé au(x) défenseur(s) adverse(s) et ainsi réduire autant que possible leur capacité à s’opposer au jeu en retrait.
De la même façon que dans l’exemple précédent, la présence d’un ou plusieurs leurre(s) en complément de la direction du jeu initiale permettra d’accroître la division de l’attention à laquelle sera / seront confronté(s) le(s) défenseur(s). Le ou le(s) défenseur(s) aura / auront alors tendance à focaliser leur attention sur le(s) joueur(s) leurre(s), et par conséquent à ne plus s’informer / à se désintéresser du joueur bénéficiaire. Dans ce type de situations, il y aura alors deux leviers de manipulation utilisés pour manipuler le(s) défenseur(s) : la direction du jeu initiale et le(s) mouvement(s) sans ballon du / des joueur(s) leurre(s).
Lorsque l’équipe en possession peut créer une supériorité numérique locale face au(x) défenseur(s), celle-ci doit servir à manipuler ce(s) dernier(s), en le(s) « bloquant » grâce à des courses variées, afin de le(s) inciter à ne pas sortir cadrer préventivement le joueur bénéficiaire.
Dans une situation de 3 contre 1 dans la surface, le joueur leurre devra attaquer une zone différente du joueur bénéficiaire, tant pour créer une option de centre pour le porteur de balle que pour manipuler son adversaire direct et libérer son coéquipier. Généralement, l’appel du joueur leurre sera alors dirigé vers les 6 mètres, de façon à conditionner le défenseur à rester dans sa dynamique initiale – à savoir une course vers son propre but.
Dans une situation de 3 contre 2 dans la surface, les 2 joueurs leurres devront se répartir les zones à attaquer, tant afin de créer des options de centre pour le porteur de balle que pour manipuler leurs adversaires directs et libérer leur coéquipier. Dans cette configuration, l’un des leurres pourra par exemple être chargé d’attaquer les 6 mètres, tandis que l’autre sera responsable de la zone au 2nd poteau : incités à suivre les courses de ces derniers plutôt qu’à surveiller l’activité du joueur bénéficiaire, les défenseurs seront alors dans l’incapacité physique de s’opposer au centre en retrait vers le joueur bénéficiaire.
La même logique s’applique lorsque le rapport numérique s’accroît, comme en atteste ce but marqué par le Stade Rennais face au PSG, représenté dans le graphique ci-dessous (élu à l’unanimité pire graphique de cette analyse). Les rennais se projettent en nombre dans la surface parisienne, ce qui leur permet d’utiliser trois joueurs leurres pour manipuler les joueurs parisiens (défenseur central + latéral + milieu défensif) et ainsi créer de l’espace en retrait pour Flavien Tait.
Au-delà des considérations d’égalité ou de supériorité numérique, il est particulièrement important de manipuler le défenseur présent au second poteau – que celui-ci soit un défenseur central ou un latéral. Si celui-ci n’est pas manipulé, il aura toute liberté pour réajuster la direction de sa course et intervenir sur le joueur bénéficiaire, soit pour intercepter, soit pour contrer la frappe de ce dernier.
Conclusion
Je souhaitais tout d’abord revenir brièvement sur les points évoqués dans cette analyse, avant de conclure par un plaidoyer en faveur du jeu à contre-pied.
Lors de ce match face au PUC, ton équipe a démontré d’excellentes aptitudes à exploiter sa supériorité numérique face aux premiers défenseurs adverses afin de sortir le ballon via la recherche du joueur libre. Ces sorties de balle réussies ont pu s’effectuer notamment grâce à son occupation rationnelle de l’espace, les passes progressives de ton gardien et de tes défenseurs centraux, ou encore les déplacements de tes latéraux entre les lignes adverses.
La position des latéraux à l’intérieur est toutefois une position de base : si ces derniers ne peuvent faciliter la progression vers le but adverse du faits des choix défensifs adverses, alors ils doivent faire preuve de pro-activité en recherchant à se déplacer vers d’autres zones dans lesquelles ils pourront influer positivement sur la progression de l’action. À mon sens, ta structure de relance en 2+3 peut (et doit) donc ainsi varier en fonction des différentes problématiques posées par l’adversaire, mais aussi selon la façon dont tu souhaites utiliser les différentes aptitudes de tes joueurs.
Si elle a démontré des facilités à éliminer les premiers défenseurs, ton équipe a eu plus de difficultés à capitaliser sur ces premiers décalages pour créer des situations de déséquilibre, notamment en raison d’une propension à verticaliser de façon précipitée. Ces premiers décalages auraient parfois pu être mieux exploités via une progression plus patiente, ligne par ligne, par exemple grâce à des fixations balle au pied du joueur libre et/ou de meilleurs déplacements de tes milieux relayeurs.
En comparaison avec l’année passée, ton équipe parvient plus régulièrement à placer tes ailiers dans des situations leur permettant d’exploiter leurs qualités de vitesse, d’élimination et de percussion. Ces derniers sont sollicités plus haut sur le terrain, ce qui influe positivement sur leur capacité à créer des situations de déséquilibre.
L’animation en 2-3-4-1 avec latéraux à l’intérieur que tu as choisi a ses adeptes dans le football professionnel, que ce soit parmi les entraîneurs les plus illustres de ce sport – Pep Guardiola – ou d’autres – à l’instar de Markus Anfang lorsqu’il officiait à Holstein Kiel. Ci-dessous voici une analyse vidéo du très bon Nikola Janjic sur Holstein Kiel, saison 2017-2018 :
Dans la dernière partie de cette analyse, j’ai tenté d’analyser certaines des ACD utilisées par ton équipe, mais aussi de te présenter d’autres actions à contre-pied compatibles avec l’animation de votre système de jeu. S’il manque nombre d’actions à contre-pied intéressantes, j’espère que cette analyse permet cependant de saisir à quel point les actions contre-dynamiques peuvent être utiles pour manipuler une structure défensive et déséquilibrer l’adversaire. À toi de déterminer maintenant quelles actions tu souhaiteras utiliser en fonction des aptitudes de tes joueurs, le potentiel que tu leur attribues ainsi que tes propres préférences.
Si le jeu à contre-pied me passionne autant, c’est parce qu’il me semble constituer l’essence même de la phase offensive, tant sur le plan individuel que collectif. L’utilisation des divers outils offerts par le jeu doit permettre à l’équipe en possession de rechercher constamment la manipulation de la structure défensive adverse. L’idée principale de l’attaque doit toujours être de rechercher à mettre l’adversaire en mouvement, de l’inciter à s’inscrire dans une dynamique, de le contraindre à faire des choix que l’on pourra ensuite exploiter contre lui : c’est de cette façon que le processus d’élimination des différentes lignes adverses sera facilité et le déséquilibre régulièrement provoqué.
Le football consiste donc non seulement à placer l’adversaire face à des choix, mais aussi à être en capacité d’exploiter positivement tout choix qu’il effectuera. Toute décision adverse doit idéalement constituer une source de progression ou de déséquilibre potentiel pour l’équipe en possession. Là est la vraie nature de la manipulation : la capacité à créer des situations inextricables pour l’adversaire, dans laquelle chacune de ses décisions pourra s’avérer néfaste pour lui-même.
Jouer un football basé sur des principes contre-dynamiques incite à réinventer le rapport à l’équipe adverse : celle-ci n’est alors plus envisagée comme le problème mais bien comme la solution – il n’est donc plus question de jouer contre l’adversaire mais bien d’apprendre à jouer avec lui.
Si les ACD collectives me plaisent tant, elles qui sont légion dans cette analyse, c’est parce que je suis convaincu, à l’instar de l’exceptionnel Erik Ten Hag, que les mouvements sans ballon constituent l’un des outils les plus efficaces pour manipuler la structure défensive adverse et créer des opportunités de progression et de déséquilibre.
L’utilisation régulière d’ACD éduque les joueurs à manipuler continuellement l’adversaire, et ce quelque soit le système ou l’animation défensive utilisé par celui-ci. L’intelligence situationnelle des joueurs s’accroît alors naturellement, dans la mesure où ils deviennent capables de manipuler tout type d’opposition par eux-mêmes, et non pas grâce à des circuits pré-définis travaillés au préalable.
Le jeu à contre-pied est de plus en plus utilisé dans le football, et notamment dans le football de haut niveau, la partie la plus visible de la pyramide. Tuchel, Sarri, Guardiola, Rose/Maric, Klopp, Ten Hag, ou encore Luis Enrique : tous ces entraîneurs utilisent des principes contre-dynamiques, bien que de façon plus ou moins systématique et selon différentes manières. Les possibilités de développement du jeu à contre-pied restent toutefois extrêmement importantes, comme en attestent les multiples ACD non jouées présentées au cours de cette analyse.
Conjointement à la « révolution tactique » impulsée par Pep Guardiola à Barcelone, le domaine de l’analyse footballistique a connu un essor considérable, tant dans le domaine de la tactique que dans l’utilisation toujours plus poussée de la data. En même temps qu’elle s’est généralisée et popularisée, il me semble cependant que l’analyse tactique a progressivement produit de moins en moins de contenu véritablement innovant. Si cela peut sembler logique au vu de l’extrême variété des domaines déjà analysés, cela ne doit pas être la fin de l’histoire, tant il y a encore d’innovations tactiques à imaginer et promouvoir. Les actions contre-dynamiques me paraissent être l’unes d’entre elles, et accessoirement, l’un des prochains champs majeurs de développement tactique.
Alors qu’à présent les diverses actions contre-dynamiques évoquées dans cette analyse peuvent apparaître pour certains comme des évènements isolés les uns des autres, sans lien particulier, je suis certain que dans les années à venir elles seront identifiés comme identiques dans leur fondement grâce à des travaux exhaustifs sur le sujet. Le même processus que celui ayant popularisé le jeu de position dans les années 2010 s’effectuera alors : d’abord des analyses exhaustives sur le sujet, puis une propagation progressive de ces idées et enfin une élévation du niveau général des connaissances concernant le jeu à contre-pied. Le processus décrit ici sera bien évidemment facilité par l’utilisation toujours croissante des ACD au plus haut niveau, une excellente façon de promouvoir l’utilisation d’une approche contre-dynamique.
À mon sens, les ACD sont donc amenées à se généraliser. Les joueurs du futur seront non seulement plus complets physiquement et techniquement, mais également en termes de capacités cognitives, ce qui leur permettra d’identifier et de résoudre des situations de jeu plus rapidement et plus efficacement. Grâce à cela, le niveau de complexité des ACD s’élèvera alors aussi naturellement.
À l’origine, j’avais prévu de te présenter quelques jeux ou situations en lien avec certaines des ACD présentées dans cette analyse. N’ayant encore pas remis ces jeux ou situations au propre, je ne l’ai malheureusement pas fait. Voici tout de même ci-dessous un jeu dont nous nous sommes servis avec Anthony pour favoriser, au sein de notre 4-4-2 en losange, l’émergence d’une action à contre-pied présentée dans cet article (ACD – 3 contre 1 / contre défenseur central / appel profondeur (vers extérieur) attaquant + projection coéquipier).
Pour conclure, j’ai parfaitement conscience de mes limites au niveau de la concision : j’essaye de progresser dans ce domaine, mais ce n’est pas toujours évident, surtout concernant un sujet aussi dense que les ACD. J’espère que cela n’aura pas nui aux idées que j’ai voulu présenter, et que mes explications ont tout de même pu être assez claires pour toi. J’espère également qu’en dépit de cela tu auras pris autant de plaisir à lire cette analyse que j’en ai ressenti au moment de l’écrire, et surtout que l’on pourra bientôt en discuter de vive voix.
Gaspard
Très intéressant, merci pour le partage